Radovan Karadzic, l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie inculpé de génocide, tentait mercredi, deux jours après son arrestation, de retarder son transfèrement devant la justice internationale à La Haye où il veut assurer lui-même sa défense.

«Karadzic aura une équipe de juristes en Serbie qui l'aidera dans sa défense, mais il se défendra lui-même devant le Tribunal pénal international (TPI)», a indiqué son avocat, Me Svetozar Vujacic, qui doit déposer vendredi un recours contre le transfèrement de son client.

Me Vujacic a déclaré à l'AFP que son client était en «excellente forme», prêt se défendre devant la justice internationale.

«Il a une très bonne allure, il s'est coupé les cheveux, rasé la barbe et est en excellente forme», a précisé M. Vujacic qui a rencontré son client mercredi.

«Il a retrouvé son aspect d'avant, d'il y a treize ans. Il est très combatif, il a hâte d'entamer sa lutte et espère que la vérité et la justice prévaudront», a ajouté l'avocat.

Au moment de son arrestation, Radovan Karadzic était méconnaissable, amaigri, portant une épaisse barbe blanche et de longs cheveux blancs.

Me Vujacic a confirmé qu'il déposerait vendredi prochain, au dernier jour du délai prévu par la loi, un recours contre le transfèrement de Karadzic au TPI, afin de le retarder le plus possible.

Une fois le recours déposé, un panel de juges du tribunal de Belgrade pour les crimes de guerre aura, selon la loi, trois jours pour se prononcer.

«S'ils (les juges) respectent la procédure, ils ne pourront pas prendre de décision avant lundi, car j'enverrai le recours vendredi», a précisé Me Vujacic.

En assurant lui-même sa défense devant le TPI, qui l'a inculpé il y a 13 ans de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, Karadzic suivra l'exemple du défunt président serbe Slobodan Milosevic et de l'ultranationaliste Vojislav Seselj, actuellement jugé à La Haye.

En 1995, le TTPI a inculpé Karadzic notamment pour son rôle dans le massacre de 8000 hommes et adolescents musulmans à Srebrenica, dans l'est de la Bosnie.

Karadzic, qui n'a pas eu de contacts avec son épouse Ljiljana Zelen-Karadzic, sa fille Sonja et son fils Sasa au cours de ses années de clandestinité, insiste pour les revoir avant d'être transféré à La Haye.

Sonja Karadzic Jovicevic a demandé à Miroslav Lajcak, le Haut représentant international en Bosnie, la permission de pouvoir quitter la Bosnie et rendre visite à son père. Les Karadzic sont privés de passeports depuis janvier.

«Je demande à M. Lajcak (...) de nous permettre de nous rendre à Belgrade, car c'est vraisemblablement la dernière chance de voir mon père», a-t-elle déclaré à l'AFP.

L'arrestation de Radovan Karadzic, une des conditions pour que la Serbie puisse à terme intégrer l'Union européenne (UE) lui a valu les félicitations de Bruxelles, des États-Unis et de nombreux autres pays. Désormais les autorités serbes attendent des Européens un geste en retour.

Rasim Ljajic, le ministre serbe chargé de la coopération avec le TPI, a rappelé que Belgrade, depuis la chute du régime autoritaire de Slobodan Milosevic en 2000, avait transféré 44 inculpés à La Haye. Il a qualifié d'«injustifiées et sans fondement» les accusations selon lesquelles la Serbie ne coopère pas suffisamment avec la justice internationale.

«Après l'arrestation de Karadzic, ces stéréotypes ne tiennent plus», a-t-il dit à la télévision d'État serbe (RTS).

Mais certains Européens ne semblent pas encore prêts à accélérer l'intégration de la Serbie et veulent maintenir la pression sur Belgrade pour obtenir l'arrestation de l'autre grand fugitif des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, l'acolyte militaire de Karadzic.

Grâce à sa transformation physique, Radovan Karadzic était parvenu à duper tout son entourage et vivait dernièrement à Belgrade, en compagnie d'une femme d'une quarantaine d'années, identifiée par la presse comme Mila.

Il utilisait de faux papiers au nom de Dragan Dabic et pratiquait la médecine alternative comme psychiatre, une profession qu'il avait exercée avant de se lancer dans la politique.