Les «petits empereurs», comme on appelle les enfants uniques chinois, deviennent de plus en plus... des rois dodus. Une récente étude a mis au jour un phénomène inquiétant: le nombre d'obèses de moins de 7 ans a crû de 156% en 10 ans. Et leurs parents ne prêchent pas par l'exemple, a constaté notre envoyé spécial en Chine.

Comme bien des grands-papas chinois, Luo Hushu a de la difficulté à dire non à son petit-fils de 5 ans. Ainsi, après les repas, quand le petit Wen Quand demande à aller prendre une boisson gazeuse chez McDonald's, grand-papa flanche. «On habite très près d'ici», donne-t-il comme explication.

Le petit Quan n'est pas gros. Pas obèse, en tout cas. Mais ses goûts alimentaires sont ceux d'une génération qui, elle, le devient de plus en plus.

À la clinique Mei Kang Li, dans le nord de Pékin, la directrice, Ma Hui, reçoit beaucoup de femmes qui veulent perdre du poids. Il y a quelques hommes aussi, «parce que leur femme leur dit de venir».

Et, phénomène nouveau, il y a maintenant des enfants de 11 et 12 ans parmi ses patients. «À partir de cet âge, ils commencent à reconnaître ce qui est joli. Et quand on est gros, on ne l'est pas», dit-elle.

Selon une étude récente, sa clientèle de jeunes - encore peu importante - risque d'exploser. Près de 20% des enfants de moins de 7 ans dans les villes chinoises sont en surpoids et plus de 7% sont obèses, estime la Cellule nationale sur l'obésité infantile, qui a présenté son étude le mois dernier, à Genève, en marge de l'assemblée annuelle de l'Organisation mondiale de la santé.

«Ce sont des chiffres plus élevés que dans les pays européens, alors que le produit intérieur brut de la Chine est bien plus bas, avait alors souligné le directeur de l'étude, Ding Zongyi. Seuls les États-Unis ont des taux supérieurs.»

Big Mac et poulet frit

Selon ce rapport, le nombre de jeunes obèses a crû de 156% dans 11 grandes villes chinoises entre 1996 et 2006. Ceux en surpoids sont 52% plus nombreux. «C'est lié à une augmentation du niveau de vie et à une plus grande présence des McDonald's et Poulet frit Kentucky», explique Mme Ma.

Au-delà de la présence accrue de la restauration rapide, c'est tout le régime alimentaire des Chinois - surtout dans les villes - qui se transforme. Entre 1982 et 2002, la consommation de viande, de poisson, d'oeufs et de produits laitiers a plus que doublé. L'huile à cuisson a suivi la même tendance, alors que les portions de légumes ont diminué.

Ces données du Bureau national de la statistique valent pour l'ensemble de la Chine. Les campagnes étant encore beaucoup plus pauvres, on peut présumer que les données concernant les nouveaux riches des villes sont encore plus impressionnantes, voire plus inquiétantes.

Le fait de manger davantage a aussi eu un bon côté: les centimètres ne s'additionnent pas seulement au tour de taille, mais aussi en hauteur. La taille des Chinois de 3 à 18 ans a augmenté de 3,3 cm entre 1992 et 2002.

Aux préadolescents enrobés, Mme Ma prescrit des massages, une meilleure nutrition et offre quelques conseils psychologiques. Et elle a ce message aux parents: «L'enfant n'a pas d'argent, ce sont ses parents qui lui en donnent. C'est ce qui lui permet d'acheter des aliments malsains.»