Longue barbe et cheveux blancs, les yeux cachés sous des lunettes, Radovan Karadzic a dupé tous ceux qui, à leur insu, l'ont côtoyé dans Belgrade, où il se déplaçait sans problème.

Selon la présidence serbe, Karadzic « a été localisé et arrêté dans la soirée » de lundi par les forces de sécurité. Il n'a offert aucune résistance et était dans un état dépressif, a indiqué une source proche des services secrets.

Le procureur serbe pour crimes de guerre, Vladimir Vukcevic, a indiqué que l'ex-chef politique des Serbes de Bosnie avait de faux documents au nom de Dragan Dabic et s'occupait de médecine alternative.

« Sa dernière adresse était à Novi Belgrade », quartier moderne de la capitale serbe sur la rive gauche de la Sava, a-t-il précisé.

Selon la télévision, il a fait des causeries sur la bioénergie et les méditations, et a publié des articles dans le journal Zdrav zivot (Vie saine) sous son faux nom.

Rasim Ljajic, ministre chargé de la Coopération avec le TPIY, a montré à la presse une photo de Karadzic portant une longue barbe blanche et de longs cheveux blancs tombant sur ses épaules.

Une apparence loin de celle qu'on lui connaissait à sa dernière apparition en 1996 : chevelure grisonnante en bataille, front barré d'une mèche indomptable.

Son avocat Veselin Vujacic a indiqué qu'il avait un abonnement mensuel pour les transports publics à Belgrade. Selon la presse, c'est dans un autobus qu'il a été arrêté.

Né le 19 juin 1945 dans le village de Petnjica, au Monténégro, Karadzic a passé son enfance à Niksic, près de la frontière avec la Bosnie. Dès son plus jeune âge il écrit des poèmes. Plus tard, il composera aussi des pièces de théâtre et de la musique populaire.

Son père, fervent nationaliste, avait été emprisonné pour avoir oeuvré avec les « Tchetniks », qui avaient combattu les nazis et les partisans communistes de Tito pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Psychiatre à Sarajevo dans les années 1960, il a commencé sa carrière politique en 1990, guidé par Slobodan Milosevic, homme fort de l'ex-Yougoslavie.

Après la chute du mur de Berlin, le pays se disloque, ses six républiques optant chacune pour l'indépendance en 1991.

Comme Milosevic, Karadzic veut alors rattacher la Serbie aux territoires peuplés de Serbes en Croatie et en Bosnie.

Secondé par le général Mladic, Karadzic « nettoie » la Bosnie des non-Serbes. Près de deux millions de personnes sont chassées de leurs villages, et 260 000 sont tuées pendant la guerre.

Aux accords de Dayton fin 1995, Karadzic obtient « sa » Republika Srpska (RS) alors que Croates et Musulmans se partagent l'autre moitié du pays, qui devient la Fédération croato-musulmane. Mais Milosevic le tient à l'écart et en 1996 il lui est interdit d'apparaître en public.

Il entre alors la clandestinité où il a un puissant réseau de fidèles. Entouré de gardes du corps, il a aussi bénéficié de protection policière.

Sa légende d'insaisissable a grossi au fil des opérations ratées de l'OTAN pour l'arrêter. Washington avait promis une récompense de 5 millions US pour son arrestation.