Au moins 21 personnes, dont des anciens généraux et des journalistes confirmés, ont été arrêtés mardi à Ankara dans le cadre d'une enquête sur un réseau soupçonné de vouloir renverser le gouvernement islamo-conservateur au pouvoir en Turquie, a rapporté l'agence Anatolie.

Les autorités ont confirmé ces arrestations sans donner de détails, alors que des opposants politiques au Parti au pouvoir de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) l'accusaient de chercher à intimider et faire taire les critiques.

Les interpellations ont coïncidé avec le début du plaidoyer mardi devant la Cour constitutionnelle du procureur qui a lancé la procédure de dissolution de l'AKP pour activités anti-laïques.

Parmi les personnes interpellées figurent Hursit Tolon et Sener Eruygur, deux anciens généraux quatre étoiles qui ont servi dans les plus hauts échelons de la hiérarchie militaire. Ils sont connus pour leur farouche opposition au gouvernement de l'AKP.

L'un des journalistes arrêtés par la police à son domicile dans la capitale turque est Mustafa Balbay, le correspondant à Ankara du journal d'opposition Cumhuriyet, qui a souvent critiqué avec virulence l'AKP, l'accusant de vouloir islamiser la Turquie. Ufuk Buyukcelebi, le rédacteur en chef du quotidien Tercuman et ancien général a également été arrêté à Antalya (sud). D'autres arrestations ont eu lieu à Istanbul et à Trabzon dans le nord du pays.

Des policiers ont fait irruption dans les locaux des quotidiens Cumhuriyet et Tercuman, de la Chambre de commerce d'Ankara et de l'association Eruygur et ont procédé à des saisies, a également rapporté l'agence de presse Anatolie.

Le président de la Chambre de commerce d'Ankara, Sinan Aygün, a également été interpellé, selon l'agence.

Ces personnes arrêtées sont soupçonnées «d'être soit des responsables soit des membres du groupe terroriste Ergenekon», a indiqué un fonctionnaire de justice sous couvert de l'anonymat.

Trois autres personnes étaient recherchées par les forces de sécurité, selon Anatolie, alors que la chaîne d'information NTV a indiqué que l'un d'entre eux était Turhan Comez, un ancien avocat de l'AKP aujourd'hui dissident.

L'enquête sur l'existence d'un réseau ultra-nationaliste appelé Ergenekon, a débuté en juin 2007 après la découverte d'explosifs dans une maison à Istanbul.

Des militaires à la retraite, un chef de parti politique, des journalistes, des avocats font partie de la cinquantaine de personnes interpellées dans cette affaire jusqu'à présent.

Les procureurs n'ont toujours pas dressé d'acte d'accusation dans le cadre de cette enquête qui irrite les milieux opposés au gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan qu'ils accusent de vouloir se servir de cette action pour intimider ses détracteurs.

Des médias turcs ont affirmé que ce réseau projetait d'assassiner des personnalités qu'il considérait comme anti-nationalistes.

«La campagne visant à intimider l'opposition et les défenseurs de la laïcité et de la République démocratique est en plein essor», a déclaré de son côté Mustafa Ozyurek du Parti républicain du peuple (CHP), le principal parti d'opposition créé par le fondateur de la Turquie laïque Mustafa Kemal Atatürk.

G-9, une plate-forme qui regroupe neuf associations de presse, a également fait part de sa consternation, estimant qu'«une série de détentions ont lieu dans le cadre de l'opération Ergenekon... à chaque étape de la procédure de dissolution contre l'AKP» et a averti que ces détentions étaient considérées comme «une tentative pour faire taire les journalistes d'opposition».