Fermetures de télévisions, création de médias officiels, lois pour empêcher les médias de «mentir»... Emmenés par leur chef de file Hugo Chavez, des dirigeants de la gauche radicale en Amérique latine cherchent à réglementer la presse, affirment opposants et ONG.

Au Venezuela, la chaîne RCTV, accusée par le président Hugo Chavez d'avoir soutenu une tentative de putsch contre lui en 2002, a été suspendue le 24 janvier pour ne pas avoir retransmis les discours fleuves du chef de l'État, comme l'y oblige une récente loi. Ministre et président de la Commission nationale des Télécommunications (Conatel), Diosdado Cabello avait même qualifié la chaîne de «porcherie».

Sa fermeture a déclenché d'importantes manifestations, au cours desquelles deux personnes ont été tuées, et le président du Collège national des Journalistes (CNP), William Echeverria, a jugé «la démocratie en danger».

Les États-Unis, le Canada, la France, l'Espagne, des patrons de presse, des opposants vénézuéliens et des ONG comme Human Rights Watch (HRW) ou Reporters Sans Frontières, qui parle de «guerre médiatique», ont également dénoncé cette suspension.

RCTV avait déjà perdu sa licence hertzienne en 2007. Une autre chaîne très critique du pouvoir, Globovision, est aussi menacée, tandis que 34 médias audiovisuels ont été fermés l'an dernier pour «irrégularités administratives».

Ce contrôle accru des médias se retrouve en Équateur ou en Bolivie, autres membres clés de l'Alliance bolivarienne des Amériques (Alba), bloc antibéral créé en 2004 par le Venezuela et Cuba.

«Chacun de ces gouvernements s'est rendu compte que le pouvoir des médias est très fort, et aspire donc à en tirer parti,» constate l'analyste équatorien Mauro Cerbino, de la Faculté latino-américaine des Sciences sociales.

«Cette rupture est aussi due à la nécessité de remplacer de vieilles lois élaborées pendant les dictatures des années 60», juge-t-il toutefois.

Au Venezuela, une loi de 2004 qui codifie la diffusion de programmes violents ou à caractère sexuel oblige aussi les chaînes «nationales» -au moins 30% de contenus produits au Venezuela- à diffuser les discours du président.

Chavez s'est ainsi lancé dans une recomposition du paysage médiatique, alors que selon la Conatel, «27 familles possèdent plus de 32% du spectre radiophonique».

Il a créé un réseau sans précédent de médias officiels. «Six télévisions, deux réseaux de radio, plus de 150 pages Internet, un satellite et une imprimerie», détaille Marcelino Bisbal, éditeur d'un livre sur le contrôle des médias.

En Équateur, le processus est plus récent mais le ton est similaire: la presse est un pouvoir «médiocre, corrumpu et menteur», assure le président Rafael Correa, élu en 2006.

Le pays vient de créér sa première agence de presse officielle, et un projet de loi sanctionnant les «monopoles», une «loi baillon» selon l'opposition, est en débat au Parlement.

Et fin décembre, la chaîne d'opposition Teleamazonas a été suspendue trois jours par l'organisme public des télécommunications. Le gouvernement a démenti toute intervention, sans convaincre l'opposition.

En Bolivie, le président Evo Morales, réélu triomphalement en décembre, a lui aussi multiplié les accrochages avec les médias contrôlés par des groupes proches de l'opposition de droite.

Et alors que le secteur est toujours régi par une loi datant sur l'imprimerie remontant à 1925, il a annoncé lundi que le gouvernement «est en train d'étudier la façon de contrôler les médias pour qu'ils ne mentent pas».