Le coût du ramassage des déchets sauvages qui se trouvent sur le réseau routier provincial a augmenté de 43 % depuis 2011, au Québec, tandis que les contraventions pour ce type d'infraction sont restées stables, a appris La Presse. Des défenseurs de l'environnement déplorent un « manque de civisme » lourd de conséquences.

Ramasser les déchets qui jonchent les routes et autoroutes sous la responsabilité du ministère des Transports du Québec a coûté 783 696 $ au Trésor public, en 2017.

C'est 43 % de plus que les 549 068 $ déboursés en 2011, révèlent des données obtenues par La Presse en invoquant la loi sur l'accès à l'information du Québec.

À l'exception du sommet de 902 791 $ atteint en 2016, il s'agit d'une progression constante.

Le Ministère ignore cependant la quantité de déchets ramassés, puisqu'il ne possède « aucune statistique spécifique » à ce sujet, a indiqué à La Presse sa porte-parole Mila Roy.

Pendant ce temps, les policières et policiers de la Sûreté du Québec (SQ) ont remis en moyenne 386 constats d'infraction par année à des gens ayant jeté ou laissé tomber des objets sur la voie publique, révèlent d'autres données obtenues aussi en vertu de la loi sur l'accès à l'information.

Ces chiffres, qui ne tiennent pas compte des constats qui pourraient avoir été annulés par un tribunal à la suite d'une contestation, concernent uniquement les contraventions remises en vertu de l'article 498 du Code de la sécurité routière (CSR), qui interdit de « jeter, déposer ou abandonner des objets ou matières quelconques sur un chemin public ».

Or, les contraventions pour ce type d'infraction sont souvent données en vertu de règlements municipaux, a indiqué à La Presse une source policière.

La Sûreté du Québec dit ignorer le nombre de constats d'infraction remis par ses policiers en vertu de règlements municipaux.

« Il n'est pas possible d'extraire ces données au niveau national » puisqu'elles proviennent des municipalités, a indiqué le bureau de la sécurité routière du corps policier.

L'amende pour une infraction à l'article 498 du CSR est de 60 $, auxquels il faut ajouter les frais administratifs de 27 $ et la contribution de 10 $ au Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile, pour un total de 97 $ ; il n'y a aucun point d'inaptitude.

« Il faut que l'infraction soit vue par nos policiers ou relatée par quelqu'un qui est prêt à témoigner » pour qu'elle puisse être punie par une contravention, a expliqué à La Presse le sergent Daniel Thibaudeau, porte-parole de la SQ.

Manque de « civisme »

« C'est un manque de savoir-vivre et de civisme, je trouve ça inacceptable ! », s'indigne Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets.

Ces déchets, une fois désagrégés en « microparticules », vont en effet se retrouver « dans la nature, les ruisseaux, les rivières, le fleuve, et ce sera éventuellement ingéré par la faune », s'inquiète-t-il.

Le directeur général de Nature Québec, Christian Simard, partage la même indignation et parle de « pratiques un peu sauvages ».

« C'est une problématique qui s'apparente à ce qu'on voit dans les cours d'eau et les océans : des matières plastiques et jetables qui ne se décomposent pas. »

- Christian Simard, Nature Québec

Il serait selon lui « intéressant que le ministère des Transports caractérise les déchets qu'il ramasse pour [en] identifier les générateurs », ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

« Ni le Ministère ni les contractants qui ramassent les détritus n'effectuent la caractérisation des vidanges ramassées », a indiqué à La Presse la porte-parole Mila Roy.

L'organisme de Karel Ménard, lui, avait mené une étude il y a quelques années, à Laval, pour caractériser les déchets trouvés au bord des autoroutes : « C'était principalement des bouteilles d'eau et des gobelets de café du Tim Hortons », raconte-t-il.

Pistes de solution

« On a un problème de société de gaspillage éhonté, regrette Christian Simard. Tout est à jeter, les biens ne sont pas durables. »

Il faudrait à son avis instaurer des mesures incitatives « à la réutilisation », comme un système de consigne élargi, une idée que partage Karel Ménard

« S'il y avait une consigne sur les bouteilles d'eau, je suis pas mal sûr que les gens garderaient ça dans l'auto. »

- Karel Ménard, Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets

Les deux défenseurs de l'environnement estiment qu'il devrait y avoir des campagnes de sensibilisation sur la question, au même titre que celles incitant les camions à ne pas rouler en surcharge de poids.

Il faudrait également davantage de mesures coercitives, croient-ils ; Karel Ménard estime d'ailleurs qu'une amende de 60 $, « ce n'est pas énorme ».

« Pourquoi pas des corvées ? se demande-t-il. Au lieu que les gens paient des amendes, pourquoi ne pas les convier à une corvée de nettoyage ? »

- Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse