Une société relativement méconnue est à l'origine d'une explosion d'incidents impliquant des oléoducs au Québec en 2017, révèle un rapport qu'Équiterre a rendu public aujourd'hui. Pipelines Trans-Nord a été épinglée 15 fois par les autorités fédérales l'an dernier, bien plus que toute autre entreprise du secteur dans la province.

EXPLOSION D'INCIDENTS

Depuis 2008, 29 incidents pipeliniers ont été enregistrés au Québec par l'Office national de l'énergie (ONE). De ce nombre, plus de la moitié - 16 - se sont produits pendant la seule année 2017, révèle le rapport d'Équiterre. L'organisme déplore les « failles inquiétantes » dans la sécurité des pipelines. « Ce n'est pas juste le fait d'une compagnie ou d'un pipeline : c'est un système qui est complètement dysfonctionnel », a indiqué son porte-parole, Steven Guilbeault.

PIPELINES TRANS-NORD MONTRÉ DU DOIGT

Le rapport montre du doigt une entreprise relativement méconnue. Pipelines Trans-Nord, dont le siège social se trouve en Ontario, est détenue conjointement par Imperial Oil, Shell Canada et Suncor. Elle exploite un oléoduc construit en 1952 qui relie l'est de Montréal à Nanticoke, en Ontario. La conduite dessert notamment les aéroports Trudeau à Dorval et Pearson à Toronto. À elle seule, cette entreprise est à l'origine de 15 des 16 incidents qui se sont produits sur le territoire québécois en 2017.

« UNE GANG DE COW-BOYS »

En combinant les données de l'ONE et du Bureau de la sécurité des transports, Équiterre a recensé 79 incidents impliquant Trans-Nord entre 2004 et 2017. L'organisme calcule que l'entreprise est responsable du déversement d'au moins 932 barils de produits pétroliers pendant cette période. « C'est une gang de cow-boys, dénonce M. Guilbeault. Ils semblent démontrer un désintérêt total pour le respect des lois, des règlements et la protection du public. Leur dossier parle de lui-même. » Trans-Nord Pipelines n'a pas rappelé La Presse hier.

DISSENSIONS À L'ONE

Le cas de Trans-Nord a même causé des divisions au sein de l'ONE, révèle le rapport. En 2016, deux membres de cet organisme réglementaire se sont opposés à une ordonnance qui imposait à l'entreprise de réduire la pression dans sa canalisation. James Ballem et Michael Richmond reprochaient à Trans-Nord de ne pas avoir agi pour corriger ce problème depuis six ans. « Jusqu'à ce que ces mesures de sécurité soient entièrement implantées, il serait notre préférence que le réseau de pipeline soit fermé », ont-ils écrit dans un cas rare de dissidence.

DES LACUNES PLUS LARGES

On aurait tort de conclure que le cas de Trans-Nord est isolé, conclut Équiterre. Depuis 2004, l'organisme a recensé 23 déversements de produits pétroliers dans les quatre oléoducs en service dans la province. L'organisme conclut que l'application des règles de sécurité est inefficace. « L'augmentation continuelle des déversements et des incidents pipeliniers au Québec suggère qu'il règne une confiance aveugle envers les affirmations lénifiantes de l'industrie sur la sécurité de ses pipelines et les mécanismes d'application inefficaces », peut-on lire dans le rapport.