Des environnementalistes pressent le premier ministre Justin Trudeau de faire part au président américain Donald Trump des inquiétudes suscitées au Canada par son projet d'autoriser les forages pétroliers dans les trois océans nord-américains.

L'administration Trump veut permettre des forages dans les océans Arctique, Atlantique et Pacifique. Cela rendrait 90 pour cent du plateau continental américain accessible à l'exploitation des hydrocarbures, selon un communiqué du département américain de l'Intérieur diffusé au début du mois.

Cette proposition, si elle est entérinée, pourrait avoir des implications négatives au Canada en cas de déversement pétrolier, en plus de nuire aux efforts pour combattre les changements climatiques.

«C'est de l'ouverture pour davantage de pétrole, évidemment avec des risques de déversement qui peuvent atteindre les côtes canadiennes, que ce soit dans l'Ouest ou dans les Maritimes», a dénoncé le porte-parole de Greenpeace Canada, Patrick Bonin.

«Le gouvernement Trudeau devrait être clair sur le fait que c'est incompatible avec nos objectifs climatiques, que ça menace nos écosystèmes et il devrait faire preuve lui aussi de cohérence et montrer l'exemple d'un point de vue domestique», a-t-il ajouté en insistant sur la création d'aires marines protégées où l'exploration pétrolière serait interdite.

Le chapitre canadien du Fonds mondial pour la nature (WWF) s'inquiète aussi des répercussions possibles de cette nouvelle politique américaine.

«La faune marine ne connaît pas de frontières, a expliqué son spécialiste des questions de développement des hydrocarbures dans l'Arctique, Mark Brooks. Il y a des endroits au large de la Nouvelle-Écosse où Trump veut permettre les forages dans des écosystèmes très sensibles et tout près de zones de pêches importantes pour ces communautés.»

En entrevue avec La Presse canadienne plus tôt cette semaine, le premier ministre Trudeau est demeuré muet sur la possibilité de soulever cet enjeu avec Donald Trump.

«On va continuer de démontrer que l'économie ne peut pas se bâtir sans protéger l'environnement en même temps et on va travailler dans la mesure du possible avec les Américains», a-t-il affirmé en précisant que son gouvernement travaille de concert avec certains États américains, certaines entreprises et certains politiciens municipaux.

M. Trudeau a rappelé que le Canada avait imposé en 2016 un moratoire sur les nouveaux permis d'exploration dans l'océan Arctique en vertu d'une entente conclue avec l'ancienne administration américaine de Barack Obama. Il a assuré que ce moratoire d'une durée de cinq ans tient toujours malgré le changement de politique au sud de la frontière.

«On garde cette protection en place au Canada parce qu'on sait qu'il n'y a pas encore une façon technologique sûre de pouvoir protéger nos écosystèmes extrêmement vulnérables de l'Arctique s'il y a une fuite sous la glace», a-t-il souligné.

Ce moratoire de cinq ans sera révisé en 2021, soit deux ans après la prochaine élection fédérale. Le gouvernement pourrait alors décider de le maintenir ou de l'abandonner.

La nouvelle politique américaine qui autoriserait les forages vise à remplacer le plan quinquennal qui avait été élaboré par l'administration Obama. Le risque qu'elle poserait au Canada demeure difficile à évaluer pour l'instant, selon le spécialiste de l'océanographie chimique Émilien Pelletier.

«Il y aurait un risque éventuel pour les forages qui seraient proches des frontières canadiennes comme en Oregon et dans l'Atlantique Nord, a-t-il souligné dans un courriel. Mais le document américain est trop vague pour se faire une idée véritablement.»

Il se demande également si ces forages auront véritablement lieu puisque cette proposition, qui doit faire l'objet d'une consultation publique, pourrait être éventuellement renversée par un gouvernement démocrate. M. Pelletier estime que les compagnies pétrolières pourraient décider de jouer de prudence et attendre avant d'investir des centaines de millions de dollars dans une aventure qui pourrait se terminer abruptement.