Un sac malin pour cuire les repas tout en économisant de l'énergie: c'est ce que propose aux ménagères de Douala, la capitale économique du Cameroun, une association locale qui vient en aide aux déshérités.

«Nous fabriquons et vendons des sacs-marmites», affirme Catherine Leugue, présidente de l'Association des veuves, veufs et enfants déshérités du département du Wouri (sud-ouest), à l'origine de cette invention.

Confectionné à base de tissu et de polystyrène, le «sac-marmite» est une sorte d'autocuiseur, une fois porté à ébullition. Son prix varie entre 10 000 et 22 000 FCFA (entre environ 22 et 48 $) en fonction de son gabarit et il est réutilisable à l'infini.

Objectif: cuisiner «en économisant le gaz, le bois, le charbon ou le pétrole», dans une ville de plus de trois millions d'habitants où les moyens de cuisson traditionnels, largement répandus, sont synonymes de pollution.

«Nous contribuons à notre façon à protéger l'environnement, car nos sacs-marmites ne produisent pas de fumée lors de la cuisson», assure Mme Leugue.

Autre avantage du sac-marmite: une fois acheté, il permet à ses propriétaires de réaliser des économies non négligeables. Les sources d'énergie comme le charbon ou le bois représentent un budget de 10 000 à 20 000 FCFA par mois (entre 22 et 44 $) pour une utilisation quotidienne, soit une part importante des revenus de certains ménages.

Environ 40 % des Camerounais vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 740 FCFA (1,60 $) par jour, selon des chiffres de l'Institut national de la statistique (INS) datant de 2010.

Dans le secteur privé par exemple, le salaire mensuel minimum est de 36 270 FCFA (80 $), mais beaucoup de salariés, notamment les femmes de ménage, sont en fait payés en deçà de ce minimum.

«Bien serrer»

Démonstration avec le plat du jour concocté par les femmes de l'association: le très populaire riz sauté, c'est-à-dire cuit avec des tomates et des condiments.

Assises en rang d'oignons sur des bancs en bois, les veuves épluchent, découpent et hachent avec entrain les différents ingrédients (tomates, carottes, feuilles vertes, piments) qui viendront colorer la préparation.

La cuisson se déroule alors en deux phases. La première consiste à chauffer la marmite sur du gaz ou au feu de bois, avant de se poursuivre dans le «sac-marmite».

Après avoir fait revenir légumes et condiments dans un fond d'huile bouillante, Catherine Leugue ajoute cinq boites de riz, cinq litres d'eau, et assaisonne sans oublier le fameux cube exhausteur de goût, très présent dans la cuisine africaine.

«C'est important de verser une quantité d'eau suffisante, du sel et du cube pour toute la cuisson, puisque lorsque nous placerons la marmite dans le «sac-marmite», nous ne pourrons plus l'ouvrir jusqu'à ce que le repas soit prêt», souligne-t-elle.

Une dizaine de minutes plus tard, la marmite bout déjà. Il est temps de passer à la deuxième phase de cuisson, en plaçant tout simplement la marmite à l'intérieur du sac écolo.

«Il faut bien serrer (le noeud du sac) pour que le degré de température de la marmite en ébullition se conserve» et que le repas finisse de cuire sans source d'énergie externe, souligne-t-elle.

Les femmes «sceptiques»

Petit bémol: il faudra encore attendre 45 à 50 minutes pour passer à table. «La cuisson dans ce sac prend plus de temps, mais ce n'est pas un grand problème parce que je peux faire autre chose» sans avoir à surveiller le feu, explique Marie Siendjeu, une commerçante ravie de cette trouvaille récente.

«Je suis très satisfaite. Depuis que je l'ai, j'ai réduit ma consommation de bois ou de sciures par quatre et je cuis tous genres de mets dans ce sac», affirme la jeune femme.

Alors que des effluves de riz cuit s'échappent du sac, «le repas est prêt !»,  annonce Mme Leugue. Une file d'attente - démunis, voisins et curieux - se forme rapidement devant la marmite fumante.

«C'est très bon. J'étais sceptique lorsqu'elle disait que le riz allait cuire dans un sac. Je vais passer la commande de deux «sacs-marmites» pour mon épouse», confie l'un d'eux, venu goûter la préparation.

Les revenus issus de la vente des «sacs-marmites», lancés en août 2015, doivent permettre d'aider les veuves sans ressources abandonnées à leur sort, qui élèvent seules leurs enfants.

Pourtant, le succès attendu n'est pas encore au rendez-vous. En quatre mois, l'association n'a réussi à vendre qu'une cinquantaine de sacs, et entend bien multiplier les démonstrations dans les marchés populaires pour convaincre les Camerounais de l'intérêt du «sac-marmite».

«Beaucoup de femmes n'achètent pas encore le sac parce qu'elles sont sceptiques», admet Mme Leugue.