Des enseignants en traitement de l'eau disent craindre pour l'approvisionnement en eau potable de plusieurs municipalités du Québec, en cas de déversement majeur de l'oléoduc Énergie Est.

La majorité des stations de purification de la région métropolitaine, par exemple, n'ont pas de prise d'eau de rechange, «aucun plan B», ont-ils souligné, jeudi, au cours d'une rencontre avec la presse à Montréal.

Ils affirment que si elles étaient informées d'un important déversement d'hydrocarbures, les stations de purification fermeraient leur prise d'eau pour éviter la contamination de l'eau potable. Elles disposeraient de réserves d'eau pour 12 à 16 heures seulement.

Après cette période, les usines auraient le choix entre distribuer de l'eau non conforme ou arrêter complètement la distribution d'eau.

«L'ampleur d'une telle catastrophe dépasse l'imagination et a de quoi faire frémir», commentent-ils.

Le personnel enseignant du Centre national de formation en traitement de l'eau de la Commission scolaire des Trois-Lacs est l'un des deux centres spécialisés en la matière au Québec. Il a rédigé un mémoire d'une quarantaine de pages sur le projet d'oléoduc Énergie Est de TransCanada (TSX:TRP), en évaluant quelles pourraient être les répercussions sur l'eau potable d'un éventuel déversement majeur d'hydrocarbures.

«On va s'ennuyer du flushgate, on va s'ennuyer de la crise du verglas, puis on va s'ennuyer du déluge du Saguenay, dans le cas d'un déversement. Le flushgate, somme toute, ça a été un déversement d'eaux usées dans le fleuve. Les petits poissons n'ont pas été contents, mais bon, ça n'a pas empêché personne de dormir. Ce n'est pas de ça dont on parle ici. Là, on parle des usines d'eau qui arrêtent d'approvisionner les villes en eau potable», s'est exclamé l'un des présentateurs du mémoire, Guy Coderre.

Il a même évoqué ultimement la nécessité d'évacuer des villes qui seraient privées d'eau potable pendant un certain temps.

Il rappelle que la ville de Lac-Mégantic avait vécu un sérieux problème en approvisionnement d'eau, en 2013, à la suite du déraillement de train qui avait causé un incendie majeur au centre-ville et un déversement de pétrole des wagons.

«Ils doivent fermer les prises d'eau. Et là, on espère que dans 12 à 16 heures, la vague de pétrole soit passée. Mais quand on pense à l'ampleur de cet oléoduc-là, la vague, elle ne passera pas en quelques heures. Ça a pris 74 jours pour un petit déversement à Lac-Mégantic, un verre d'eau comparé à ce qui nous attend», a lancé M. Coderre.

Réaction de TransCanada

Invitée à commenter la sortie publique des enseignants en traitement de l'eau, TransCanada a fait savoir qu'elle n'avait pas lu le mémoire et qu'elle voulait prendre le temps de le lire.

Néanmoins, elle a voulu rassurer la population. «Il est extrêmement important pour nous comme entreprise de mettre en place plusieurs mesures de sécurité, afin de réduire, voire éliminer la possibilité d'un scénario ressemblant à celui évoqué.»

«Nous sommes actuellement en train de discuter des différentes mesures de sécurité, ainsi que les éventuels plans d'urgence qui seront conçus en collaboration avec les premiers répondants dans toutes les communautés le long du tracé», ajoute TransCanada.

«Ces plans vont nous assurer que nous sommes en mesure de répondre rapidement dans la très improbable éventualité d'un incident, de protéger la sécurité du public, de contrôler et récupérer les volumes de pétrole en question rapidement, et de minimiser les impacts potentiels», a ajouté l'entreprise.

TransCanada fait aussi valoir qu'«un tel scénario de déversement a une chance d'arriver en plusieurs milliers d'années, et seulement si toutes les mesures de sécurité et d'action d'urgence mises en place ne fonctionnent pas».

L'oléoduc Énergie Est doit permettre de transporter 1,1 million de barils de pétrole par jour. Il doit traverser 600 cours d'eau.

La consommation journalière moyenne sur l'île de Montréal est de 2 millions de mètres cubes d'eau.