L'épaisse fumée toxique des feux de forêts en Indonésie qui envahit Palangkaraya est devenue tellement insupportable que Kartika Sari a décidé de fuir avec sa fille de trois ans cette ville au coeur des incendies qui polluent le ciel d'Asie du Sud-Est.

Cette pharmacienne de 32 ans et son enfant respirent depuis des semaines l'air nocif à Palangkaraya, une ville de 240 000 habitants dans la province de Kalimantan (partie indonésienne de l'île de Bornéo), envahie par ces fumées provenant de feux de forêt et terres agricoles allumés illégalement en vue d'étendre des plantations, en particulier d'huile de palme.

«La fumée n'était plus blanche, mais jaune», a déclaré à l'AFP Kartika, dans un centre d'évacuation à Banjarmasin, à six heures de route de Palangkaraya.

«On l'a supportée jusqu'ici, même si on avait des maux de tête et qu'on ressentait des nausées. Mais c'est devenu tellement mauvais ces derniers temps que je n'en peux plus. Je n'arrive même plus à respirer de l'air frais», dit-elle.

La jeune femme attend avec angoisse dans un refuge en compagnie de neuf autres évacués, pour la plupart des enfants, parmi lesquels un petit garçon d'un an souffrant d'une forte toux et de diarrhée.

Dix personnes ont péri jusqu'ici en Indonésie, certains en combattant les flammes et d'autres en raison de la pollution, selon les autorités.

Comme chaque année pendant la saison sèche, la multiplication de ces incendies est due à la culture sur brûlis, une technique agricole primitive utilisée comme moyen de défrichement et de fertilisation dans les zones tropicales pour laisser place à diverses cultures, en particulier sur les îles de Sumatra et Kalimantan, abritant d'importantes plantations d'huile de palme, dont l'Indonésie est le premier producteur mondial.

Les incessants dégagements de fumée provenant de ces incendies qui ont débuté il y a plusieurs mois ont provoqué la colère de pays voisins comme la Malaisie ou Singapour, et perturbé le trafic aérien jusqu'en Thaïlande et aux Philippines.

À Palangkaraya, le nombre d'infections respiratoires a bondi ces dernières semaines. De nombreux habitants ont été relogés par des membres de leurs familles ou des amis, mais certains n'ont d'autre choix que de rester dans ces zones envahies de fumées toxiques.

«On ne peut pas continuer comme ça!»

Rahmah, une vendeuse ambulante de 39 ans, a ainsi raconté à l'AFP être obligée de continuer à travailler en plein air pour payer les frais de scolarité de ses enfants, en dépit des risques pour sa santé.

«J'ai des étourdissements après un certain temps, mais je fais de mon mieux pour me soigner avec des médicaments», dit-elle.

Sa voisine Nurjanah, qui vit dans une petite maison avec sept membres de sa famille, parmi lesquels sa petite fille de cinq mois, est confrontée aux mêmes problèmes dans cette ville où la visibilité atteint parfois seulement quelques dizaines de mètres.

Mais elle ne voit pas de raison d'être évacuée : «Partir? Pour aller où? Il y a de la fumée partout, alors à quoi ça sert d'évacuer quand il n'y pas d'échappatoire?», lance-t-elle.

Dans une clinique non loin de là, des centaines de personnes attendent des heures avant de pouvoir utiliser l'un des 10 réservoirs à oxygène installés pour permettre aux habitants de respirer de l'air frais.

Des évacuations en masse, en particulier d'enfants et de personnes souffrant de maladies respiratoires chroniques, sont envisagées par les autorités indonésiennes, selon un porte-parole de l'armée, Tatang Sulaiman.

Trois bateaux de guerre avec à leur bord des équipes médicales, des tentes, des cuisinières et des masques de protection sont en route pour les régions de Sumatra et Kalimantan, les plus affectées.

En même temps, les bénévoles qui se démènent pour essayer d'éteindre les feux se plaignent de manquer d'équipements et d'eau, comme le dit à l'AFP Rahmat Muhama Noor, à Kuala Kapua, non loin de Palangkaraya : «S'il vous plaît, dites au gouvernement que nous avons besoin de plus d'aide. Il nous faut des masques, on ne peut pas continuer comme ça!».

PHOTO BAY ISMOYO, AFP

Comme chaque année pendant la saison sèche, la multiplication de ces incendies est due à la culture sur brûlis, une technique agricole primitive utilisée comme moyen de défrichement et de fertilisation dans les zones tropicales pour laisser place à diverses cultures, en particulier sur les îles de Sumatra et Kalimantan, abritant d'importantes plantations d'huile de palme, dont l'Indonésie est le premier producteur mondial.