La pluie qui tombait mardi sur le site dévasté par des explosions dans la métropole portuaire de Tianjin, dans l'est de la Chine, ravivait les craintes de contamination par des substances toxiques au moment où était rendu hommage aux 114 morts de la catastrophe.

Environ 700 tonnes de cyanure de sodium, un produit chimique hautement toxique, étaient stockées dans l'entrepôt du port de Tianjin touché par deux déflagrations mercredi soir, d'après des sources officielles.

La pluie pourrait faire réagir les produits chimiques et les diffuser plus largement dans l'environnement, qu'il s'agisse de l'air, du sol ou de l'eau.

La colère et l'inquiétude restaient vives parmi les habitants tandis qu'une enquête a été ouverte sur un haut responsable chinois chargé de la sécurité au travail.

Les autorités assurent que l'air et l'eau ne présentent pas de danger pour la population, mais les habitants se montrent de plus en plus inquiets et sceptiques. Des associations comme Greenpeace ont appelé Pékin à la transparence.

Sur des échantillons d'eau prélevés en 40 points de la zone interdite au public, huit ont révélé une présence excessive de cyanure lundi, dépassant jusqu'à 28,4 fois les niveaux recommandés pour l'un d'entre eux, a expliqué Bao Jingling, ingénieur en chef du Bureau municipal de protection de l'environnement, lors d'une conférence de presse.

Du cyanure en plus faible quantité a été détecté dans 21 autres échantillons.

Pour éviter l'écoulement de produits chimiques, les autorités ont construit un barrage de sable et de terre délimitant une zone de 100 000 m2 autour du site des explosions, a dit Bao Jingling. Des cuves et des canalisations ont été vidées pour laisser la place à la pluie.

Le cyanure de sodium, qui se présente sous forme de poudre cristalline, libère sous certaines conditions du cyanure d'hydrogène, un «gaz hautement toxique asphyxiant», qui peut s'avérer «rapidement mortel» selon le Centre américain pour le contrôle des maladies.

Météo suivie de près

«Nous faisons très attention aux prévisions de pluie pour les prochains jours», a ajouté l'ingénieur. «Nous nous préparons au traitement de dizaines de milliers de tonnes d'eau contaminée, dans le cratère de la zone principale».

Il a promis que l'air serait «étroitement contrôlé» en 18 points différents et que le public serait alerté rapidement si des niveaux excessifs de cyanure ou d'autres produits étaient découverts.

«Comment peut-on dire que l'environnement est propre?», a réagi Chen Xingyao, qui habitait près du site des explosions. «Et si seul le gouvernement teste l'environnement, on ne pourra pas savoir si ça va ou non».

Les médias chinois, qui sont étroitement contrôlés par les autorités, ont pointé un doigt accusateur sur les responsables locaux et l'entreprise gérant l'entrepôt d'où est partie la catastrophe, plutôt que sur les défaillances systémiques du régime communiste.

L'entreprise en question, Ruihai International Logistics, était autorisée à manipuler des substances chimiques dangereuses, mais des questions se posent sur ses certifications, d'après Chine Nouvelle.

Dix membres de la direction de Ruihai ont été arrêtés par la police, selon les médias.

Et Yang Dongliang, directeur de l'administration d'État chargée de la sécurité au travail, fait l'objet d'une enquête pour «violations graves présumées de la discipline et de la loi», a annoncé la Commission d'inspection disciplinaire du Parti communiste chinois (PCC).

Cette terminologie désigne habituellement des faits de corruption.

D'après la chaîne publique CCTV, qui cite un haut responsable du service de la lutte contre les incendies, il y avait au total sur le site 3000 tonnes de produits chimiques dangereux. En plus du cyanure de sodium s'y trouvaient du nitrate d'ammonium et du nitrate de potassium.

Une minute de silence a été observée lors de plusieurs cérémonies de commémoration. Des responsables en chemise blanche, des personnels de secours ou des militaires en uniforme ont baissé la tête en hommage aux victimes.

Le désastre a fait 114 morts tandis que 57 personnes sont portées disparues. Trente-et-un corps n'ont pas été identifiés.

Des sirènes ont retenti et des fleurs blanches -la couleur du deuil en Chine, où le septième jour suivant un décès est un jour de commémoration traditionnel- ont été déposées.

Devant l'hôtel où se tiennent les conférences de presse officielles, une dizaine de propriétaires immobiliers sont venus réclamer des compensations pour leurs appartements endommagés tout en arborant des chrysanthèmes, la fleur du deuil.