Le projet de cimenterie de Port-Daniel-Gascons en Gaspésie ne sera pas soumis à l'examen du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

Le ministre de l'Économie, Jacques Daoust, a déposé jeudi un projet de loi pour assujettir les projets de cimenterie et de terminal maritime à Port-Daniel-Gascons au seul régime d'autorisation prévu à l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Concrètement, la proposition législative met le projet de Ciment McInnis à l'abri de toute évaluation environnementale sous l'égide du BAPE.

Plus tôt cette année, Ciment McInnis s'est entendu avec deux groupes écologistes qui exigeaient un examen du BAPE - le Centre québécois du droit à l'environnement et Environnement vert-plus -, mais un troisième requérant et concurrent de Ciment McInnis, Lafarge Canada, poursuit l'action en justice intentée l'été dernier dans l'espoir de faire invalider le certificat d'autorisation du projet.

Le gouvernement a choisi de sécuriser le projet d'un milliard $ pour éviter un long débat judiciaire entre des entreprises concurrentes, a justifié le ministre Daoust en point de presse.

«À partir du moment où on a évacué complètement le volet environnemental, il ne faudrait quand même pas que, pour une guerre entre grandes entreprises, on en finisse avec un débat devant les tribunaux qui va devenir éternel», a-t-il expliqué.

Jusqu'ici le gouvernement avait toujours affirmé que le projet de Port-Daniel reposait sur des bases légales solides, mais la contestation en cours a convaincu le gouvernement d'emprunter la voie législative.

«Comprenons-nous bien: on pense que notre cause est bonne devant un tribunal, mais ça n'empêche pas une société d'aller en appel, et là, on en a pour longtemps. Et on ne veut pas mettre en péril ces nouveaux emplois en Gaspésie», a déclaré M. Daoust.

Les demandeurs soutiennent que le ministre de l'Environnement, David Heurtel, a outrepassé ses pouvoirs en autorisant le projet sans le soumettre à la procédure d'évaluation sur les impacts environnementaux. Les promoteurs - Ciment McInnis, actuellement contrôlé par la famille Beaudoin-Bombardier - répliquent qu'ils ont déposé leur projet en mai 1995, un mois avant l'application de la loi pouvant le renvoyer à un examen du BAPE.

Le projet de loi vient confirmer l'interprétation de Ciment McInnis, mais il ne s'agit pas d'un «passe-droit», a insisté le ministre.

«En fait, on ne fait pas un passe-droit, on réaffirme que la règle qui gouvernait cette entreprise au moment où elle a entrepris le projet est celle qui la gouverne. On ne lui donne pas un passe-droit, on confirme ce qui a toujours été l'interprétation, tant du Parti québécois que le nôtre», a-t-il dit.

Annoncé sous le gouvernement péquiste et retenu par les libéraux une fois au pouvoir, le projet de cimenterie de Port-Daniel-Gascons a obtenu un prêt garanti de 250 millions de dollars d'Investissement Québec, qui y a aussi investi 100 millions en capital-actions, tout comme la Caisse de dépôt et placement du Québec.

En Chambre, le ministre Heurtel a affirmé qu'un examen du projet par le BAPE n'était nullement requis.

«Nous avons fait une évaluation environnementale, le même type d'évaluation environnementale qui est fait dans le cadre d'un contexte de BAPE. Nous avons émis des certificats d'autorisation respectant les plus hauts standards, et les groupes environnementaux qui ont initié le litige qui est devant les tribunaux ont réglé avec la cimenterie McInnis», a-t-il lancé.

Le projet jouit de l'appui de l'opposition officielle, mais la Coalition avenir Québec (CAQ) soutient que le jeu, compte tenu du niveau élevé de pollution que générera la cimenterie gaspésienne, n'en vaut pas la chandelle.

Selon le porte-parole de la CAQ en matière d'environnement, Simon Jolin-Barrette, le gouvernement «saccage» les efforts de réduction des gaz à effet de serre (GES) et «court-circuite le processus judiciaire pour favoriser un projet polluant et non rentable pour l'ensemble des Québécois».

La cimenterie va alourdir le bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec en éjectant près de deux millions de tonnes de gaz par année, soit une hausse de 6 pour cent du secteur industriel québécois.