Elles attirent les vacanciers par millions. Mais avec la hausse des océans, les plages sont condamnées partout où les humains essayent supposément de les protéger. C'est l'avertissement que lance Orrin Pilkey, professeur émérite de sciences de la terre et des océans à l'Université Duke, dans The Last Beach, un livre publié récemment avec son collègue Andrew Cooper, de l'Université d'Ulster, en Irlande du Nord.

Q: Comment est venu cet intérêt pour les plages?

R: J'étais déjà professeur à l'Université de Géorgie quand j'ai dû venir au secours de mes parents qui vivaient sur la côte au Mississippi. Leur maison avait été lourdement endommagée par l'ouragan Camille. Ça m'a amené à réfléchir sur les dynamiques côtières. Rapidement, il m'est apparu que ce qu'on pouvait observer sur les côtes des États-Unis, c'était de la pure folie.

Q: Pourquoi?

R: Partout, on ajoutait des murets pour protéger des bâtiments construits le long des plages. Ce faisant, on condamnait la plage à disparaître parce qu'elle était coupée de sa source de sable. Aujourd'hui, construire des défenses en dur sur une plage est interdit dans la plupart des endroits, même s'il y a des gens qui réussissent quand même à contourner ces interdictions.

Q: Par exemple?

R Récemment, à l'île Debideu, en Caroline-du-Sud, un muret s'est effondré sur la plage. Mais il protégeait des gens très riches et très importants. Alors, même s'il y a une loi très stricte qui l'interdit, ces gens sont allés devant la législature et ont obtenu une permission spéciale instantanément.

Q On n'a rien trouvé de mieux pour protéger les plages qu'une solution qui, en réalité, les fait disparaître?

R: Depuis les années 70, on utilise la recharge de sable, mais c'est une solution qui dure beaucoup moins longtemps que les ingénieurs côtiers ne l'affirment. Comme je l'indique dans mon livre, pratiquement tous les projets de recharge aux États-Unis depuis 40 ans ont eu une efficacité moindre que celle qui avait été annoncée. Dans bien des cas, c'est à recommencer tous les trois à cinq ans. Et avec la hausse des océans, c'est une solution qui va coûter de plus en plus cher. Dans la région des Outer Banks, en Caroline-du-Nord, on est déjà rendu à 10 millions par mille (1,6 km). Et c'est sans parler des effets néfastes sur l'environnement.

Q: Quels effets néfastes?

R: On détruit l'environnement là où on puise le sable, et on détruit celui de la plage qu'on veut sauver.

Q: Les plages sont donc si fragiles?

R: Non, les plages sont quasiment indestructibles! Ce sont les gens qui disent vouloir les protéger qui, en fait, les détruisent. Pour s'adapter à la hausse des océans, les plages ont besoin de reculer. Pour cela, elles doivent avoir accès à leur source de sable, qui se trouve en retrait, et de tempêtes pour déplacer le sable. Mais les gens qui disent vouloir protéger les plages veulent en fait protéger les bâtiments qui y sont construits. Et ils empêchent ce processus.

Q: Quel est l'avenir des plages?

R: On prévoit environ 1 mètre de hausse des océans d'ici 2100, mais les effets se feront sentir bien avant. Selon nous, d'ici 30 ou 40 ans, les plages auront disparu dans plusieurs endroits où le littoral est habité. La recharge aura été abandonnée au profit de murets, qui accélérera leur perte. Puis, vers la fin du siècle, elles auront complètement disparu à ces endroits. Le pire endroit au monde pour cela est le sud de la Floride. Sur 100 milles (160 km), il y a des centaines de tours d'habitation sur la plage. Qu'est-ce qui va arriver avec 1 mètre de hausse? Sûrement que tous ces bâtiments vont se transformer en magnifiques récifs! Et pour voir une vraie plage dans son état naturel, il faudra se rendre en Namibie, avec ses 800 milles de côtes... mais il faudra faire attention aux lions.