Transports ou covoiturage pour les bons élèves, amendes de 22 euros (34 $) pour les récalcitrants : la capitale française et sa proche banlieue redécouvrent lundi la circulation alternée, mesure antipollution inédite depuis 1997.

Sauf dérogations, seules les voitures et motos dotées de plaques impaires étaient autorisées à circuler.

La mesure, décidée ce week-end, pourrait être reconduite mardi, jour pour lequel une «nette amélioration» de la qualité de l'air est toutefois prévue, selon l'Association de surveillance de la qualité de l'air en Île-de-France (AIRPARIF).

«Nous avons des niveaux (de concentration) encourageants, à la baisse», a commenté Anne Kauffmann, directrice adjointe d'AIRPARIF.

Pour lundi, la concentration moyenne en particules devrait être comprise entre 40 et 55 microgrammes par m3, le seuil d'information étant fixé à 50 microgrammes, celui d'alerte à 80.

Le Centre national d'information routière a relevé au plus fort de la matinée 134 kilomètres de bouchons, soit «deux fois moins que d'habitude», commentait un porte-parole. Fait inhabituel, le périphérique parisien était fluide.

L'effort est «accepté» par les automobilistes, a noté le premier ministre Jean-Marc Ayrault.

Les ministres ont joué le jeu, arrivant lundi à 7 h (2 h, heure de Montréal) à la préfecture de police de Paris à bord de voitures dotées de plaques impaires. «On doit montrer l'exemple», a confié un des chauffeurs.

Covoiturage, télétravail ou transports en commun : les automobilistes dont la voiture a une immatriculation paire devaient trouver une parade.

Pour compenser l'immobilisation forcée de la moitié des voitures, les transports publics sont gratuits. Cette gratuité représente un coût de 4 millions d'euros (plus de 6 millions de dollars) par jour pour la région, selon le président (socialiste) de l'Île-de-France, Jean-Paul Huchon.

La circulation alternée existe dans d'autres villes européennes comme à Athènes ou à Rome.

«C'est une super décision!», grince Bertrand

Prise à quelques jours des élections municipales, elle a suscité à Paris l'approbation de la gauche et des écologistes, mais déclenché les foudres de l'opposition et des associations d'automobilistes et de motards.

Pour le président de l'UMP (opposition de droite) Jean-François Copé, cette mesure «relève de la communication». Un «cache-misère» selon la candidate UMP à la mairie de Paris Nathalie Kosciusko-Morizet. «Pour la première fois un gouvernement assume ses responsabilités», s'est en revanche félicitée la ministre socialiste de la Santé Marisol Touraine.

«Nous comprenons parfaitement les difficultés, les agacements, voire même les colères», a déclaré le ministre de l'Écologie, Philippe Martin. «Mais il fallait prendre cette décision-là».

Pour veiller au respect de la circulation alternée, quelque 700 policiers étaient mobilisés, sur une soixantaine de points de contrôle.

Les automobilistes et motards qui bravaient l'interdit écopaient d'une amende : 22 euros (34 $) si elle est réglée immédiatement, 35 euros (54 $) au-delà de trois jours. S'ils refusaient de faire demi-tour, leur véhicule était immobilisé.

À 10 h 30 (5 h 30 à Montréal), la préfecture de police de Paris avait relevé 3000 infractions pour non-respect de la circulation alternée à Paris et dans sa proche banlieue.

«C'est bien, c'est une super décision, vous faites un beau métier!», grince Bertrand, jeune cadre du 13e arrondissement qui vient de se faire verbaliser place Denfert-Rochereau. Il affirme qu'il ignorait tout de cette mesure. «Il faut écouter les infos!», lui lance un agent.

Tous les véhicules à numéro pair ne sont pas interdits : pourront rouler les véhicules électriques ou hybrides, de même que les voitures avec au moins trois personnes à bord, les voitures auto-écoles et les taxis.

Les véhicules autorisés à circuler doivent respecter les limitations de vitesse déjà en vigueur depuis plusieurs jours du fait de la pollution (abaissement de 20 à 10 km/h selon les axes).

Les particules en suspension dans l'air peuvent provoquer de l'asthme, des allergies, des maladies respiratoires ou cardiovasculaires, et les plus fines d'entre elles sont reconnues comme cancérigènes.

Les consultations liées à la pollution ont augmenté depuis vendredi dans les hôpitaux franciliens, particulièrement pour de jeunes enfants, a indiqué lundi à la radio RTL la ministre de la Santé Marisol Touraine.

«Cela a pesé» dans la décision de mettre en place la circulation alternée, a déclaré la ministre.