Des déversements de l'industrie pétrolière attirent de plus en plus l'attention, alors que les projets de pipelines sont sous les projecteurs sur tout le continent.

Dernier déversement en date: environ 9,5 millions de litres d'eau polluée aux produits chimiques et au pétrole se sont répandus dans l'extrême nord-ouest de l'Alberta. Selon les données officielles, c'est le quatrième déversement en importance du genre depuis près de 40 ans.

La pollution provient des installations d'Apache Corp, une compagnie de Houston. Dans un communiqué, l'entreprise affirme que la zone touchée totalise 42 hectares et que des équipements spécialisés ont été dépêchés sur place.

L'entreprise assure que l'eau répandue était pratiquement exempte de pétrole, ce que confirment les analyses des autorités albertaines. Cependant, selon les dirigeants de la nation Dene Tha', la végétation apparaît morte sur une grande superficie.

« Compte tenu de la quantité de végétation morte dans la zone - qui était clairement visible depuis un hélicoptère -, la nation Dene Tha' pense que la fuite durait depuis longtemps », a affirmé le chef James Ahnassay dans un communiqué, hier.

L'accident est survenu à Zama, une localité située à 900 km au nord-ouest d'Edmonton.

Le déversement a été constaté le 1er juin, mais rendu public seulement une semaine plus tard, ce qui soulève des questions sur la surveillance de l'industrie, selon Greenpeace.

Cinq projets de pipelines

Cet incident reçoit plus d'attention avec les projets d'expansion du réseau de pipelines nord-américain, qui peine à répondre à l'augmentation de la production des sables bitumineux et aussi du pétrole de schiste.

Bien que le gouvernement Harper affirme à répétition dans ses publicités que la réglementation des pipelines a été renforcée, il a fortement allégé leur examen préalable.

L'an dernier, le gouvernement Harper a soustrait l'immense majorité des cours d'eau du pays à la protection de la Loi sur les pêches. Il a aussi adopté de nouvelles règles qui restreignent la participation du public aux audiences de l'Office national de l'énergie.

Rappelons qu'au moins cinq projets d'expansion sont proposés ou à l'étude actuellement: Keystone XL de TransCanada vers le golfe du Mexique, Northern Gateway d'Enbridge vers le Pacifique, le doublement du TransMountain de Kinder Morgan vers Vancouver, le renversement du flux de la ligne 9 d'Enbridge vers Montréal, et la conversion d'un gazoduc de TransCanada vers le Québec et son prolongement vers les Maritimes.

60 000 déversements

La gestion et la surveillance des pipelines sont aussi sous les projecteurs en Alberta.

Une vaste enquête du réseau de télévision Global, publiée il y a deux semaines, a permis de constater qu'il y avait eu 28 666 déversements de pétrole petits et grands en Alberta depuis 1975, en plus de 31 453 déversements d'autres produits chimiques.

« C'est la première fois qu'on a un aussi bon portrait d'ensemble du système de pipeline et ce n'est pas joli, affirme Mike Hudema, de Greenpeace, à Edmonton, en entrevue avec La Presse. On voit qu'il y a en moyenne deux déversements de pétrole par jour. »

L'un des plus importants s'est également produit en territoire Dene en 2011, quand un pipeline de la société Plains Midstream s'est rompu, déversant 5 millions de litres de brut dans la nature, à 100 km au nord de Peace River.

Dans ce cas, il s'est écoulé 14 heures avant que l'entreprise rapporte l'incident aux autorités. Le gouvernement albertain a déposé une poursuite contre Plains Midstream en avril.

La nation Dene Tha' s'inquiète de la « contamination » dont elle pourrait être victime sur son territoire traditionnel. « Compte tenu du nombre grandissant de déversements qui se sont produits sur son territoire récemment, la nation Dene Tha' espère que le gouvernement de l'Alberta va exiger des entreprises qu'elles adoptent des mesures plus efficaces. »

L'Alberta compte 400 000 km de pipelines, dont l'immense majorité n'est pas sous l'autorité de l'Office national de l'énergie, qui ne surveille que les pipelines interprovinciaux.

C'est plutôt l'Energy Resources Conservation Board (ERCB) qui supervise les pipelines albertains.

Hier, Greenpeace accusait les autorités albertaines d'avoir voulu cacher l'incident de Zama. « Apparemment, il y a eu une intervention le 1er juin pour faire cesser le déversement et l'ERCB a été avisé, dit M. Hudema. Mais il a fallu un reportage télé le 6 juin avant que les autorités reconnaissent l'incident. Pourquoi n'ont-elles pas avisé le public immédiatement? »

Le porte-parole de l'ERCB, en entrevue au Globe&Mail, affirme que l'organisme attendait de connaître l'ampleur exacte du déversement avant de le rendre public.