La majorité des puits à proximité de champs de pommes de terre contient des pesticides, selon un rapport du ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs obtenu par La Presse. Fait inquiétant, la proportion de puits contenant des pesticides a augmenté, passant de 49% pour la période 1999-2001 à 69% pour la période 2008-2009.

Un total de 77 puits - la plupart servant à l'alimentation en eau domestique - ont été échantillonnés dans les principales régions productrices de pommes de terre au Québec. Ces puits approvisionnent des agriculteurs (34 puits), mais aussi leurs voisins (43 puits). Les échantillons ont été «prélevés au robinet d'eau froide de la résidence desservie par le puits», précise le rapport.

Donnée préoccupante: 72% des puits contiennent des nitrates dans des concentrations supérieures à 5 mg/l. Une bonne proportion (40%) dépasse même la norme de 10 mg/l. Or, trop de nitrates peut réduire la capacité de l'hémoglobine à transporter l'oxygène des poumons au sang.

La présence de fortes concentrations de nitrates dans l'eau est «un problème connu depuis longtemps», qui n'a pratiquement pas changé depuis la dernière campagne d'échantillonnage. Heureusement, les personnes desservies par les puits à haute teneur en nitrate ne boivent «habituellement» pas cette eau, la réservant à la toilette et au lavage, précise le Ministère.

Cultures à risque

Quant aux pesticides, ils sont détectés à de faibles concentrations dans 53 des 77 puits. L'insecticide imidaclopride (ou l'un de ses produits de dégradation) est le plus présent: il a été retrouvé dans 61% des cas contre 35% lors des précédents tests. La «forte augmentation des ventes du produit de 2003 à 2007» peut expliquer cette situation, selon le rapport.

Certains puits (8%) sont si contaminés par l'herbicide métribuzine qu'ils ne peuvent servir à arroser les champs. «Si l'eau de ces quelques puits était utilisée pour l'irrigation, certaines cultures sensibles pourraient en être affectées», avertit le Ministère.

Étonnamment, «aucun des pesticides détectés ne dépasse les normes d'eau potable», poursuit le rapport. Gros hic: au Canada, il n'y a pas de seuil fixé pour la présence dans l'eau potable d'imidaclopride, de linuron, d'azoxystrostrobine, etc. Le Vermont propose toutefois une valeur maximale pour l'imidaclopride, au-dessus des concentrations trouvées dans les puits québécois.

Même si les pesticides sont appliqués aux champs durant l'été, des échantillons prélevés au fil de 2009 montrent qu'ils demeurent dans l'eau des puits toute l'année.

Une présence «inquiétante»

«Je trouve la présence de pesticides inquiétante, a commenté Daniel G. Cyr, toxicologue et professeur à l'INRS-Institut Armand-Frappier, à qui La Presse a transmis le rapport. La majorité des pesticides s'accumule dans les graisses ou dans certains tissus. Il faudrait voir les niveaux que l'on retrouve chez les personnes qui utilisent cette eau.»

Plusieurs études «indiquent que les pesticides peuvent agir de façon synergique dans un mélange», a ajouté M. Cyr. Or, la moitié des puits échantillonnés contient deux pesticides ou plus, jusqu'à un maximum de six.

«Les pesticides peuvent avoir des effets de perturbations endocriniennes, a indiqué le toxicologue. Des personnes qui ont des maladies reliées au système endocrinien (cancer du sein, de la prostate, hypothyroïdie, etc.) pourraient être affectées par ces contaminants, en fonction des niveaux accumulés dans les graisses et relargués dans le sang.»

Le Ministère n'a pas donné suite aux demandes d'entrevues de La Presse sur ce rapport.