Trois insecticides mortels pour les abeilles vont être interdits d'utilisation dans l'UE pendant deux ans à compter du mois de décembre, a annoncé lundi la Commission européenne à l'issue d'un vote serré qui a témoigné des fortes pressions de l'industrie et des lobbies agricoles.

Quinze pays, dont la France et l'Allemagne, ont voté en faveur de cette interdiction. Huit, dont le Royaume-Uni, l'Italie et la Hongrie, ont voté contre et quatre, dont l'Irlande, présidente en exercice de l'UE, se sont abstenus.

Cette division n'a pas permis de recueillir une majorité en faveur ou contre l'interdiction des pesticides tueurs d'abeilles, mais avec 187 voix pour l'interdiction et 125 voix contre et 33 abstentions, la Commission a tout de même le pouvoir d'en interdire leur usage.

La décision d'interdire les pesticides sera annoncée «dans les prochaines semaines», a annoncé le commissaire responsable du dossier, le Maltais Tonio Borg.

«Les abeilles sont vitales pour notre écosystème et elles doivent être protégées, d'autant qu'elles apportent une contribution annuelle de 22 milliards d'euros (29 milliards de dollars) à l'agriculture européenne», a-t-il insisté.

Il a toutefois été contraint d'accepter plusieurs modifications, notamment de différer l'interdiction du 1er juillet au 1er décembre pour les semences traitées et d'accepter la poursuite des tests pour rallier les suffrages de l'Allemagne. La Commission a en revanche rejeté la demande de la Hongrie d'autoriser des dérogations nationales.

Concrètement, la Commission va suspendre pendant deux ans l'utilisation de trois néonicotinoïdes présents dans des pesticides pour quatre types de cultures : le maïs, le colza, le tournesol et le coton. L'interdiction sera proportionnée, car elle ne concernera que certaines cultures et certaines périodes de l'année pendant lesquelles les abeilles sont actives.

Le résultat du vote a été salué par les défenseurs des abeilles, venus soutenir l'interdiction des trois pesticides.

«L'interdiction des pesticides supprime une menace pour les abeilles. Elle répond à une campagne soutenue par 2,6 millions de personnes», s'est félicité Ian Keith, de l'organisation Avaaz, qui avait déployé une abeille géante devant le siège de la Commission.

«Les pays opposés à l'interdiction ont échoué», a pour sa part soutenu Marco Contiero de Greenpeace dans un communiqué.

Le réseau PAN Europe (Pesticide Action Network) a quant à lui demandé à la Commission d'aller plus loin et d'interdire les pesticides pendant dix ans.

«Je me réjouis de ce moratoire à l'échelle européenne», s'est félicité le ministre français de l'Agriculture, Stéphane Le Foll.

En revanche, les grands producteurs agricoles et les multinationales de la chimie et de l'agroalimentaire ont tout tenté pour bloquer cette décision. Le Copa-Cogeca, qui rassemble les grands syndicats agricoles européens, a demandé le report de la mesure à 2014 et insisté sur les lourdes pertes financières et sociales d'une interdiction. L'organisation parle de 2,8 milliards d'euros (3,7 milliards de dollars) de pertes et la mise en péril de 50 000 emplois.

Les deux principaux fabricants des pesticides contestés, l'Allemand Bayer et le Suisse Syngenta, ont pour leur part multiplié les pressions pour bloquer ou au moins limiter les conséquences de cette interdiction.

Les trois néonicotinoïdes incriminés - clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame - sont présents dans des pesticides commercialisés par ces deux groupes, notamment le Cruiser OSR.

Le résultat du vote a montré qu'il y a eu «pas mal de mouvement» par rapport à la première consultation le 15 mars : treize pays avaient voté pour, neuf contre et cinq s'étaient abstenus.

Lundi, l'Allemagne, la Bulgarie et l'Estonie sont passés de l'abstention au camp des pays favorables à l'interdiction, avec la France, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, Chypre, le Luxembourg, la Lettonie, la Slovénie, Malte, les Pays-Bas, la Pologne et la Suède.

Mais l'Italie a basculé dans l'opposition, faute d'avoir obtenu la possibilité de traiter les cultures avant la floraison. Elle a rallié le Royaume-Uni, qui s'était abstenu lors du premier vote, la Hongrie, le Portugal, la Roumanie, l'Autriche, la République tchèque et la Slovaquie.

Quatre États se sont abstenus : l'Irlande, la Grèce et la Lituanie, qui avaient voté contre le 15 mars, et la Finlande.

Pour réclamer l'interdiction des trois pesticides, la Commission s'est fondée sur un avis très négatif rendu par l'Autorité européenne pour la sécurité des aliments (EFSA).