Des écologistes veulent savoir pourquoi une société américaine a pu épandre des tonnes de poussière de fer au large de la Colombie-Britannique même si Environnement Canada l'avait avertie que cette pratique est illégale.

En juillet, l'homme d'affaires californien Russ George s'est associé à une entreprise exploitée par la nation Haida, la Haida Salmon Restauration Corporation, pour épandre 100 tonnes de poussière dans les eaux canadiennes. L'objectif était de fertiliser l'eau afin qu'y pousse du plancton.

En théorie, la multiplication de ces plantes microscopiques permet de capter une grande quantité de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. L'entreprise espérait ainsi vendre des crédits sur le marché du carbone qui prend forme sur la côte Ouest.

Or, des recherches ont démontré que cette manière de combattre les changements climatiques pourrait causer plus de dommages qu'elle n'en répare. Si bien que les Nations unies ont convenu d'imposer un moratoire mondial sur la pratique.

Ottawa enquête sur le déversement depuis la fin du mois d'août, indique-t-on au bureau du ministre de l'Environnement, Peter Kent. Mais le ministre lui-même n'a été mis au courant de l'affaire qu'il y a trois jours.

Le porte-parole de M. Kent, Adam Sweet, précise que la société a été avertie que le projet contrevenait à la loi longtemps avant de passer à l'acte.

«Des agents d'Environnement Canada ont rencontré des représentants de l'entreprise le 7 mai, dit-il. Les représentants ont été informés que l'épandage dans l'océan n'est pas permis.»

La loi canadienne prévoit que des scientifiques peuvent mener des recherches sur cette pratique, mais ils doivent obtenir l'autorisation des autorités fédérales. Aucune entreprise à but lucratif ne peut mener ces activités.

Échapper la balle

Les écologistes s'expliquent mal le fait que la société ait pu procéder en dépit des mises en garde d'Environnement Canada. D'autant plus que le président de la société autochtone qui a piloté le projet a déclaré à la radio de CBC que différents organismes fédéraux étaient bien au fait de leur projet.

«Quelqu'un a échappé la balle», déplore le porte-parole de Greenpeace en Colombie-Britannique, Eduardo Sousa.

Selon lui, les représentants fédéraux auraient dû alerter la Garde côtière afin qu'elle surveille les activités de l'entreprise.

L'opposition s'est montrée prudente à l'égard de cet épisode. Le député néo-démocrate Nathan Cullen, dont la circonscription est située dans le nord de la Colombie-Britannique, connaît bien la nation Haida. Il doute qu'elle ait agi sciemment pour polluer l'océan, puisque elle s'oppose à la construction du pipeline Northern Gateway de peur qu'il n'entraîne un afflux de pétroliers dans cette région du Pacifique. «Je ne crois pas que l'intention soit nécessairement mauvaise», résume-t-il.

Une pratique controversée

Des scientifiques testent depuis des années différentes techniques de «géo-ingénierie», dont l'objectif est de contrer les changements climatiques. Dans ce cas-ci, on estime que la multiplication de plancton permettrait de capter du gaz carbonique dans l'atmosphère.

La théorie semble séduisante à première vue, mais les recherches ont permis d'établir que les effets de la «géo-ingénierie» sont moins intéressants qu'il n'y paraît.

L'épandage de fer, par exemple, provoque bel et bien une éclosion de plancton, mais ces plantes microscopiques sont souvent mangées par différents organismes qui émettent du carbone par la respiration. Pire, le processus entraîne la création d'oxyde nitreux dans les fonds marins, un puissant gaz à effet de serre qui finit par retrouver son chemin dans l'atmosphère.

Maurice Levasseur le sait trop bien: le professeur de biologie à l'Université Laval a lui-même piloté des expériences sur l'épandage de fer dans l'océan.

«La plupart des expériences montrent que l'efficacité de ce système pour séquestrer du carbone est très, très faible. Beaucoup plus faible que ce qui avait été proposé par les ingénieurs au début.»