Par un étrange tour du destin, un appareil radiologique fabriqué au Canada pourrait être à l'origine de la contamination de marchandises radioactives interceptées au Port de Montréal.

Une boîte qui contient des ustensiles de cuisine radioactifs en provenance de l'Inde se trouve en effet dans le port depuis le mois de mai dernier, en attendant que les responsables de son importation renvoient ce colis à son expéditeur.

La radioactivité a été détectée par un des portails installés dans le port en 2007 pour examiner tous les conteneurs qui y transitent.

«Le 22 mai 2012, le détecteur a déclenché l'alarme et l'Agence des services frontaliers du Canada nous a prévenus, dit André Régimbald, de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). La marchandise contenait du cobalt-60, qui est une matière réglementée. La radioactivité n'est pas en contamination libre, c'est contenu, mais ça émet un rayonnement qui est assujetti à la réglementation.»

Selon toute probabilité, les ustensiles ont été fabriqués avec de l'acier recyclé contaminé par une source de cobalt-60. Ce métal est utilisé notamment dans des appareils médicaux.

M. Régimbald n'exclut pas que cette contamination ait été causée par un grave incident survenu à Mayapuri, une localité près de New Delhi.

Métal contaminé recyclé

En février 2010, l'Université de Delhi s'était débarrassée d'un appareil radiologique datant de 1968 et inutilisé depuis 1985.

L'appareil, fabriqué par Énergie atomique du Canada, a été vendu aux enchères avec un lot de matériel désuet. Un recycleur de métal l'a démantelé, y compris la source de cobalt-60, composée de 16bâtonnets. Le travail a été fait par des employés qui ignoraient complètement le danger.

Évidemment, cette pratique contrevient aux normes. Selon la CCSN, tout utilisateur d'un appareil radiologique fabriqué par Énergie atomique du Canada doit l'expédier à une entreprise de la région d'Ottawa pour le faire démanteler.

L'alerte a été donnée en avril 2010, quand un recycleur de métal s'est présenté à l'hôpital. Il avait gardé un morceau de cobalt dans son porte-monnaie. Ce travailleur est finalement mort et sept autres ont été hospitalisés.

Une zone de la ville de Mayapuri a dû être fermée afin de retrouver les morceaux de métal radioactif mélangés avec la ferraille. Selon le Times of India, les autorités indiennes ont affirmé en mai 2010 qu'elles avaient récupéré tout le cobalt.

Mais il est permis d'en douter, selon M. Régimbald. «C'est possible qu'il y ait un lien avec cette source qui a été par mégarde fondue avec d'autres métaux et que ce métal se soit retrouvé dans les ustensiles trouvés à Montréal.»

La meilleure solution?

Le 5 octobre dernier, la CCSN a ordonné à la société de transport Hanjin Shipping Canada de renvoyer la marchandise radioactive à son expéditeur. M. Régimbald affirme que Hanjin Shipping s'est fait tirer l'oreille. «Ils voulaient que nous trouvions un endroit au Canada pour s'en occuper, mais on leur a dit que ça ne marchait pas comme ça, dit-il. La compagnie Hanjin doit se conformer à l'ordre, sinon elle s'expose à des poursuites criminelles. C'est une mesure ultime que l'on prend de temps en temps lorsque la situation l'exige.»

Hier, la compagnie a dit à M. Régimbald qu'elle avait obtenu des autorités indiennes la permission de réexpédier la marchandise en Inde. Joint par La Presse, Frank Vanduyn, gestionnaire de Hanjin Shipping Canada, a affirmé que c'était la première fois qu'une telle situation se produisait et que sa firme était en train de prendre des dispositions pour le transport du colis.

Mais le retour à l'expéditeur est loin d'être la meilleure solution, selon certains. «Ces ustensiles vont peut-être se retrouver dans un pays où il n'y a pas de détecteur dans les ports, dit John Bennett, du Sierra Club. Il faut en savoir plus sur l'origine de cette marchandise. Qui l'a fabriquée? Est-ce que la fonderie a pris des mesures pour ne pas utiliser de métal contaminé? Il me semble que la CCSN devrait enquêter là-dessus et s'assurer qu'on élimine la marchandise dans les normes.»

***

30 000 Nombre de sources différentes de substances radioactives réparties dans divers appareils au Canada et dont la Commission canadienne de sûreté nucléaire doit faire le suivi.