Moins de deux semaines après que l'Alberta eut adopté des normes anti-pollution ayant force exécutoire en matière de sables bitumineux, l'industrie suggère déjà qu'elles seront bientôt dépassées par les émissions de deux gaz majeurs provoquant des pluies acides.

Les documents officiels relatifs à la proposition d'agrandissement de la mine Jackpine de l'entreprise Shell prévoient que les niveaux annuels de dioxyde de soufre et de dioxyde d'azote devraient normalement excéder les limites établies par le Plan régional du Bas-Athabasca, si tous les projets prévus sont mis en chantier.

Les documents, déposés en fin de semaine dernière, offrent probablement le portrait le plus réaliste de l'impact de deux décennies de développement dans le nord-est de l'Alberta.

Shell a déposé ces documents après que l'Agence canadienne d'évaluation environnementale eut demandé à l'entreprise de lui présenter un compte-rendu exhaustif des changements qui se sont produits dans la région des sables bitumineux depuis que le développement s'est mis en branle, et quelle part serait attribuable à l'agrandissement de la mine Jackpine. Rédigés par la firme de conseillers en environnement Golder and Associates, les documents chiffrent la progression des niveaux de ces deux gaz au fil des ans.

Les niveaux annuels moyens de dioxyde de soufre sont estimés à environ 20 fois ce qu'ils devraient être de façon naturelle dans la région comprise de Fort MacMurray à 100 kilomètres plus au nord. Le dioxyde d'azote est estimé à au moins 10 fois les niveaux affichés avant le développement des sables bitumineux - en dépit du fait que le rapport reconnaisse que les données fiables de cette époque soient parcellaires.

Et si tous les projets qui ont déjà été annoncés publiquement ou ceux qui suivent le processus habituel vont de l'avant, alors les substances polluantes devraient excéder ce qui sont considérées comme étant des limites absolues.

Dans une réponse par courriel, un porte-parole de Shell a dit que les prévisions sont fondées sur l'hypothèse que tous les projets de développement aboutissent et qu'ils fonctionnent tous en même temps à pleine capacité. Il a ajouté que certains projets n'ont même pas commencé à suivre le processus habituel.

Dans le document, Shell souligne que les niveaux de dioxyde de soufre sont concentrés dans les zones situées près des mines, des régions qui devraient être traitées différemment. Les niveaux dans des «zones non-développées» demeurent sous les limites établies par le gouvernement, précise-t-il.

Un document précédent de Shell a reconnu que 23 petits lacs, qui n'ont pas de noms, ont déjà surpassé le niveau critique d'acide. Il incluait aussi une liste des effets cumulatifs qui n'ont pas été évalués par le plan régional, comme l'impact sur la faune.

Sur 22 espèces - dont les oiseaux, les mammifères et les amphibiens - 16 souffriront de conséquences plus ou moins négatives même en fonction du niveau actuel de développement, peut-on lire. Certaines régions subiront des pertes «modérées» dans leur biodiversité, en dépit des efforts pour les empêcher.

Shell estime que les espèces s'approprieront de nouveau le secteur une fois qu'il retrouvera son état sauvage, et ajoute qu'il devrait rester assez de régions sauvages pour conserver un écosystème en santé.