Deux nouvelles études européennes renforcent la preuve contre une classe de pesticides soupçonnée d'être responsable de l'effondrement des colonies d'abeilles depuis une décennie. L'une de ces études a notamment démontré que le nombre de reines diminue de 85% dans les ruches exposées à ce pesticide, appelé néonicotinoïde.

«Nous sommes les premiers à montrer que les colonies d'abeilles sont touchées par les néonicotinoïdes en milieu naturel», explique l'auteur principal de l'une des études, Dave Goulson, de l'Université de Stirling, au Royaume-Uni. «Les effets sont très grands. Cela établit une association forte entre les mortalités anormales dans les ruches et ce type de pesticide. Mais ça reste une association, il y a aussi d'autres causes, notamment des maladies.» Les deux études ont été publiées dans la revue Science.

De nombreux rapports anecdotiques ont fait état de ruches dévastées par le phénomène. Au Québec, la mortalité hivernale a atteint 50% en 2003, deux à trois fois plus qu'à l'ordinaire. Plusieurs pays européens ont interdit les néonicotinoïdes, mais sont toujours touchés par la vague de disparition des abeilles. Santé Canada, responsable de l'approbation des pesticides, suit le dossier, mais ne fait pas de réévaluation extraordinaire des néonicotinoïdes.

Les études antérieures avaient été menées en laboratoire, ce qui avait été critiqué par Bayer, la société allemande qui fabrique les semences enrobées de néonicotinoïdes.

Mais les études en milieu naturel ne sont pas exemptes de défauts: il est difficile de tenir compte de tous les facteurs confondants, selon Salah Zoghlami, agronome à la Fédéraration des producteurs de cultures commerciales du Québec. «Je n'ai pas lu les deux études, mais je connais ce type d'étude, dit M. Zoghlami. On peut toujours en trouver qui sont contradictoires. Il n'est pas prouvé que le pollen contenant des néonicotinoïdes tue les abeilles.»

Incertitude

Le responsable du dossier au ministère de l'Agriculture du Québec, le vétérinaire Claude Boucher, estime que l'étude est importante, mais qu'elle n'apporte toujours pas de preuve définitive du problème. «On peut par exemple penser que les monocultures peuvent poser problème en elles-mêmes, dit le Dr Boucher. Quand les abeilles ne mangent que du maïs, elles manquent de certains acides aminés. Et au-delà de cela, l'agriculture et l'apiculture doivent cohabiter.»



Madeleine Chagnon, une biologiste de l'UQAM qui étudie les abeilles depuis 25 ans, est plus alarmiste. «L'important, avec ces nouvelles études, c'est qu'on montre que les abeilles indigènes sont aussi touchées, dit Mme Gauthier. Ça va peut-être pousser le ministère de l'Environnement à s'y intéresser.»

Jean-Pierre Chapleau, un ancien président de la Fédération des apiculteurs vers qui le Dr Boucher a dirigé La Presse, est aussi convaincu que les néonicotinoïdes sont à la base du problème.