Le Dr François Reeves est cardiologue et professeur agrégé de médecine et de santé environnementale à l'Université de Montréal. Il est l'auteur de Planète coeur, santé cardiaque et environnement, publié aux Éditions Multimonde.

Q. Comment le coeur réagit-il quand il fait chaud?

R. La température du corps augmente et le métabolisme accélère. Il faut se rafraîchir, pour éviter l'hyperthermie, ou coup de chaleur. Même chez une personne jeune et en santé, le pH du sang baisse, le sang a tendance à coaguler plus facilement, les protéines inflammatoires s'activent. Les électrolytes (sodium, potassium et magnésium

sont perturbés, ce qui cause des complications. Le coeur a des arythmies malignes. Même un coeur en bonne santé peut s'arrêter et causer la mort en quelques secondes. Chez un vieillard qui a accumulé toute sa vie des plaques d'athérosclérose, l'organisme est beaucoup plus fragile. En cas de coup de chaleur, la personne âgée est plus vulnérable, c'est comme si on la mettait sur un tapis roulant sans possibilité d'arrêter. Il peut y avoir rupture d'une plaque d'athérosclérose. Une artère se bloque, il y a infarctus ou accident vasculaire cérébral. Les risques sont plus élevés chez les personnes qui ont des maladies cardiaques, pulmonaires, chroniques comme le diabète ou du système immunitaire.

Q. Que se passe-t-il quand, en plus, il y a de la pollution?

R. La pollution émise par les combustibles fossiles, comme le pétrole et le charbon, est de la suie microscopique qui flotte dans l'air. Ces particules toxiques et fines (de moins de 2,5 microns

passent directement des alvéoles pulmonaires au flux sanguin puis dans le coeur et le cerveau. Cela provoque des réactions inflammatoires sur les parois internes des artères, sur l'interface entre le sang et notre corps. Cette inflammation entraîne la «rouille» de nos artères (l'athérosclérose), qui bloquent. Si l'on vit à moins de 50 m d'une voie routière polluée, on a 63% plus de calcifications dans les artères coronaires que si l'on vit à plus de 200 m. De même, il y a 95% plus de mortalité cardiovasculaire à moins de 50 m. La canicule accentue les effets toxiques des polluants de deux façons en abaissant nos défenses contre l'inflammation et en augmentant la toxicité des polluants. Par exemple, le taux d'ozone au sol, créé par les combustibles fossiles, augmente en fonction de la température par réaction chimique. Donc, l'agression cardiovasculaire des polluants est augmentée par la canicule. Ce qui explique pourquoi, en cas de canicule, l'excès de mortalité cardiovasculaire se retrouve surtout dans les centres-villes minéralisés et pollués.

Q. Que faire pour se protéger?

R. Il faut fréquenter les endroits frais, s'hydrater et limiter les activités physiques. À plus long terme, il faut éviter que nos villes deviennent des grils à bacon, ce qui est une tendance planétaire. Il faut des arbres dans l'environnement urbain. Et il faut diminuer, voire éradiquer les combustibles fossiles de nos sources d'énergie en favorisant les moteurs hybrides ou électriques, électrifier les transports en commun et les rendre plus efficaces, faciliter le transport actif, etc.