La ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a déclaré lundi que l'exploitation des importants gisements de pétrole et de gaz naturel, dans les fonds marins du fleuve Saint-Laurent, devra se faire sans nuire au tourisme et à la pêche.

Mme Normandeau a affirmé qu'un premier mandat a été récemment donné à des consultants afin d'évaluer les impacts environnementaux de tels projets, qui sont actuellement sous le coup d'un moratoire.

La zone de 140 000 km carrés qui sera étudiée est divisée en quatre bassins, soit l'estuaire et le nord-ouest du golfe du fleuve, la baie des Chaleurs, l'île d'Anticosti et les Iles-de-la-Madeleine.

Le programme d'évaluations environnementales stratégiques (EES), annoncé lundi à Rimouski par la ministre, ne vise pas à mesurer les réserves des fonds marins du fleuve.

Mais dans l'estuaire, le potentiel en hydrocarbures a déjà été estimé à 40 milliards de pieds cubes de gaz naturel, tandis que pour le pétrole, le seul gisement d'Old Harry, au large des Iles-de-Madeleine, est évalué à deux milliards de barils.

Avec cette démarche, qui s'étalera sur deux ans, Mme Normandeau souhaite rassurer la population des régions touchées, qui a déjà exprimé des craintes.

Selon la ministre, le rapport des consultants recensera toutes les activités qui se déroulent sur le Saint-Laurent et à partir de ces informations, le gouvernement pourra interdire d'explorer ou d'exploiter les hydrocarbures québécois dans certains secteurs, ou encore formuler des exigences aux entreprises qui veulent obtenir un permis.

«L'objectif ce n'est pas de faire mourir le secteur de la mariculture ou des pêches pour faire naître celui de l'exploitation ou de l'exploration des hydrocarbures, au contraire, a-t-elle dit, lors d'une entrevue téléphonique. Ce qu'on veut, dans le fond, c'est permettre que l'ensemble des activités puisse continuer de se déployer.»

La ministre ne prévoit pas d'émission de permis avant 2012.

Parallèlement aux évaluations, Mme Normandeau souhaite aussi entreprendre des travaux pour élaborer une législation spécifique à ce type d'activité, en plus de s'entendre avec Ottawa, qui conteste la souveraineté de Québec sur les fonds marins du golfe du Saint-Laurent, tout en lui concédant ceux de l'estuaire.

«Ce qu'on souhaiterait, c'est la signature d'une entente administrative, a-t-elle dit. Mais on est encore loin de ça, c'est ma lecture, puisque nos prétentions sont à l'opposé de celles du fédéral.»

Les évaluations environnementales, dont les objectifs ont été présentés lundi par Mme Normandeau, font suite à un rapport du Bureau d'audiences publiques en environnement, publié en 2004, après des consultations sur les impacts des activités d'exploration, plus spécifiquement le recours aux levés sismiques.

Le BAPE avait noté qu'il existait plusieurs inquiétudes «sociales et scientifiques» quant aux effets à long terme sur les populations fragiles de mammifères marins et sur les stocks de poissons et d'invertébrés exploités par les pêcheurs, des déflagrations sous-marines de forte intensité que provoque cette méthode.

Mme Normandeau a soutenu que les EES répondaient à la préoccupation de l'organisme gouvernemental, qui avait recommandé au gouvernement d'examiner les effets de l'exploration et de disposer d'un cadre légal et réglementaire adéquat pour cette activité.

«On a, entre autres, retenu cette dimension-là, il y en a d'autres qu'on va retenir éventuellement, pour confirmer la démarche que j'ai annoncée», a-t-elle dit.

Malgré tout, l'annonce de Mme Normandeau, sur le bord du fleuve, à Rimouski, a suscité certaines inquiétudes sur la rive opposée, à Tadoussac.

Une biologiste du Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins (GREMM), Véronik de la Chenelière, a exprimé des doutes quant à la possibilité que l'exploitation des hydrocarbures n'ait aucun impact sur les bélugas, rorquals et autres grands poissons, très prisés par les touristes qui vont les observer en bateau.

«Dans le Saint-Laurent, probablement que c'est un milieu trop unique et trop fagile pour pouvoir être soumis à ce type d'activité-là, a-t-elle dit. C'est ce qu'on en conclut à la lumière de ce qui est connu dans le monde sur les impacts de ces activités là.»