La transformation des déchets en énergie est loin d'être une panacée. Cette technologie, convoitée par la Communauté métropolitaine de Montréal, serait même plus dommageable pour l'environnement que l'enfouissement, conclut une étude américaine sur la question.

Cette façon de traiter les ordures, appelée gazéification, émettrait non seulement plus de gaz à effet de serre, mais elle consommerait aussi plus d'énergie qu'elle en produirait, conclut le président de la firme de recherche Sound Resource Management, Jeffrey Morris.

 

«Lorsqu'on s'attarde au cycle de vie de la gazéification des ordures, on constate une augmentation des émissions de gaz à effet de serre par rapport à l'enfouissement», a indiqué M. Morris, hier à Montréal, par l'entremise d'une vidéoconférence.

Cet événement était organisé par le Conseil régional de l'environnement de Montréal (CRE), ardent opposant du virage qu'entreprennent graduellement les villes de la région. Bien qu'aucun plan directeur ne fasse officiellement état de cette intention, la CMM a déjà demandé à Québec d'éponger 85% de la facture d'un milliard de dollars liée à cet éventuel virage.

Le problème, note Coralie Deny, du CRE, c'est que la CMM n'a commandé aucune étude comparant les différentes technologies d'élimination (enfouissement, incinération et gazéification) avec les technologies de recyclage et de compostage. Le seul rapport existant, signé SNC-Lavalin, se contente d'évaluer entre elles les technologies d'élimination.

D'où l'intérêt, selon Mme Deny, d'organiser cette vidéoconférence avec le Dr Morris, rare expert ayant fait ce jeu des comparaisons.

L'exemple de Vancouver

«Si on a une décision à prendre sur l'avenir du traitement des déchets, a indiqué Jeffrey Morris hier, et qu'on regarde cela sous l'angle des émissions de gaz à effet de serre, il est évident qu'il est mieux d'enfouir que de gazéifier. Surtout si on investit dans la collecte des matières recyclables et compostables pour réduire la pression sur les dépotoirs.»

S'appuyant sur l'exemple de la région de Vancouver, M. Morris conclut qu'en moyenne, la gazéification produit 203 kg de CO2 pour chaque tonne métrique de déchets traités (ce sont les plastiques, surtout, qui émettent du dioxyde de carbone). En comparaison, le recyclage et le compostage réduisent plutôt les émissions de 1790 kg et l'enfouissement, de quelque 150 kg (lorsque le dépotoir capte 75% des émissions de méthane).

«Il est à noter qu'un ménage qui recycle et composte la totalité de ses déchets «valorisables» réduira ses émissions de gaz à effet de serre autant que s'il abandonne carrément les déplacements automobiles», a illustré le Dr Morris.

Côté énergie, toujours selon cet expert, le tableau ne serait pas plus reluisant. Une tonne de déchets traités par le recyclage/compostage permettrait de récupérer de trois à cinq fois plus d'énergie que la combustion, même si celle-ci en produit en bout de traitement.

Développée en Europe au courant des années 90 et appliquée à grande échelle au Japon, la gazéification permet de transformer tous les déchets domestiques en gaz de synthèse, lequel est ensuite brûlé pour produire de l'énergie.

Bien que solides, les chiffres de Jeffrey Morris sont néanmoins à prendre avec précaution. D'abord parce qu'il existe une panoplie de technologies de gazéification. Ensuite parce que les données concernent l'État de Washington et la région de Vancouver. Or, non seulement les déchets sont différents d'une ville à l'autre, les réseaux énergétiques le sont aussi.

COURRIEL Pour joindre notre journaliste: francois.cardinal@lapresse.ca

Pour en savoir plus: ZeroWaste.com