Si le Canada continue de subventionner les énergies fossiles, il minera ses efforts de tarification du carbone, préviennent des groupes environnementaux dans un rapport publié mardi.

Ces organisations somment Ottawa et les provinces de cesser de distribuer aux compagnies pétrolières et gazières un montant qu'elles évaluent à 3,3 milliards en 2015.

Cette étude survient le jour même où le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, demande aux États participant à la COP22 à Marrakech d'éliminer toute subvention aux énergies fossiles.

Dans le rapport signé notamment par Équiterre et Environmental Defence, on estime que ces subventions stimulent la production de combustibles fossiles à hauteur de 19 $ la tonne de carbone.

Ces subventions auront pour effet de contrecarrer la tarification du carbone, annoncée avec enthousiasme au début d'octobre par Justin Trudeau, selon ces groupes. À partir de 2018, Ottawa imposera aux provinces et territoires un prix minimal de 10 $ la tonne de CO2. La taxe grimpera de 10 $ par an pour atteindre 50 $ la tonne en 2022. Le Québec, qui a son marché du carbone, ne sera pas touché par cette politique.

Selon les écologistes, subventionner les pétrolières tout en imposant un prix sur le carbone est illogique. C'est «l'équivalent de taxer les consommateurs lorsqu'ils achètent des cigarettes, tout en accordant d'énormes allégements fiscaux aux sociétés productrices de tabac, les encourageant à fabriquer plus de cigarettes», peut-on lire dans le document.

«C'est essentiel qu'on ait un système fiscal qui est cohérent sur la façon dont on traite l'industrie du gaz et du pétrole au Canada», a insisté en entrevue Annie Bérubé, d'Équiterre.

Les libéraux avaient promis d'éliminer progressivement les subventions aux combustibles fossiles, un engagement qui ne s'est toutefois pas concrétisé lors du dépôt du budget au printemps. Par ailleurs, en 2009, les pays membres du G20 - Canada compris - s'étaient engagés à cesser à moyen terme les subventions «inefficaces» pour l'exploitation des énergies fossiles, dont le pétrole, le gaz et le charbon.

En mêlée de presse à Marrakech, mardi, la ministre de l'Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, a rappelé l'engagement de son gouvernement en la matière, tout en signalant que cela devait se faire «d'une manière qui est intelligente».

«C'est certain qu'on doit travailler avec les provinces et territoires. On a déjà des discussions. Moi, j'ai des discussions avec le ministre des Finances. On a (promis) de faire ça pour l'année 2024», a-t-elle indiqué.

Mais voilà qui est beaucoup trop tard aux yeux de Mme Bérubé. «Selon nous, le budget de 2017 doit vraiment être le budget où on voit cette réforme fiscale mise en oeuvre, et qu'elle soit complétée d'ici 2020», a-t-elle plaidé.

Retarder davantage permettra à de nouveaux projets d'exploitation ou de production d'aller de l'avant, ce qui aura des effets «pour les 30, 40 et 50 prochaines années au Canada».

Le chef intérimaire bloquiste Rhéal Fortin estime lui aussi que l'horizon de 2024 avancé par la ministre est trop éloigné. «C'est : »laissez-nous polluer pendant 10 ans, pendant 15 ans, puis après, peut-être qu'on arrêtera«. Ça n'a pas de bon sens, cette affaire-là. S'il y a des choses qui sont inacceptables aujourd'hui, pourquoi on dirait qu'on va continuer de les faire pendant huit ans, pendant dix ans?», s'est-il demandé.

Selon le chef néo-démocrate Thomas Mulcair, les libéraux font preuve de «mauvaise foi». «Il faut demander aux Canadiens progressistes qui ont voté libéral aux dernières élections s'ils ont compris que les libéraux parlaient de 2024 lorsqu'ils ont promis de mettre fin aux subventions de l'industrie pétrolière», a-t-il ironisé.

Les subventions aux combustibles fossiles ne sont pas chiffrées formellement dans le budget, mais l'Institut international du développement durable estime qu'Ottawa a offert ce genre d'avantages fiscaux à hauteur de 1,6 milliard en 2015. Les provinces - surtout l'Alberta - versent environ l'équivalent, pour une aide totale de 3,3 milliards.