Faisant fi de la colère de certaines provinces, le premier ministre Justin Trudeau a défendu bec et ongles sa décision d'imposer une taxe carbone de 10 $ la tonne à compter de 2018, affirmant que cette mesure est «essentielle» pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), responsables du réchauffement de la planète.

Après avoir vu les ministres de l'Environnement de trois provinces - Saskatchewan, Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve - quitter précipitamment une rencontre convoquée par la ministre fédérale Catherine McKenna à Montréal pour élaborer un plan national de lutte contre les changements climatiques, lundi, M. Trudeau a affirmé que l'environnement n'est pas une compétence exclusive des provinces et qu'Ottawa a l'obligation d'agir pour respecter ses engagements internationaux.

Si le premier ministre de la Saskatchewan Brad Wall l'accuse de vouloir mettre sur pied une deuxième mouture du Programme énergétique national - un programme honni dans les provinces de l'Ouest mis sur pied par Pierre Trudeau en 1980 qui visait notamment à maintenir les prix du pétrole bas - le gouvernement Trudeau rétorque qu'une taxe carbone demeure le moyen le plus efficace pour réduire les émissions de GES.

«L'environnement est une responsabilité qui incombe à tous les paliers de gouvernement. En effet, l'environnement est une responsabilité partagée. Nous avons mis de l'avant une série de solutions qui vont créer des emplois pour la classe moyenne, nous permettre d'innover tout en protégeant l'environnement pour les années à venir. C'est bon pour l'économie. C'est bon pour l'environnement. Il était à peu près temps que le gouvernement agisse dans ce dossier», a soutenu M. Trudeau à la Chambre des communes.

Le gouvernement Trudeau a pris les provinces par surprise lundi en annonçant qu'il imposera une taxe carbone de 10 $ la tonne dans les provinces qui n'auront pas adopté une forme de tarification du carbone à partir de 2018. Cette taxe sera majorée de 10 $ la tonne par année par la suite pour atteindre le prix plancher de 50 $ à compter de 2022.

Les provinces telles que la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse qui n'ont aucune forme de tarification du carbone auront deux ans pour adopter leur propre plan à défaut de quoi elles se verront imposer une taxe par Ottawa.

Des provinces comme le Québec et l'Ontario, qui ont préféré se donner une Bourse du carbone au lieu d'une taxe pour inciter les entreprises à réduire leur empreinte environnementale, ne seront pas touchées par la taxe fédérale. Toutefois, elles devront démontrer que leur plan contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre et s'engager à se donner des objectifs de réduction plus ambitieux au fil des années.

À Halifax, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Stephen McNeil, a fait savoir qu'il n'a guère l'intention d'imposer une taxe carbone dans sa province. À Edmonton, la première ministre de l'Alberta Rachel Notley a soutenu que le plan fédéral pourrait être difficile à mettre en oeuvre sans le concours de toutes les provinces. Elle a d'ailleurs exigé qu'Ottawa approuve d'abord la construction d'un nouveau pipeline à défaut de quoi il devra se passer de l'appui l'Alberta.

Aux Communes, mardi, le Parti conservateur a repris à son compte les griefs de certaines provinces en affirmant que l'annonce constitue une intrusion inacceptable du gouvernement fédéral dans un champ de compétence des provinces et qu'elle entraînera une hausse du fardeau fiscal des contribuables.

«En un an, les libéraux ont créé plus de problèmes avec les provinces que nous n'en avons créé en 10 ans», a lancé le chef adjoint du Parti conservateur, Denis Lebel. «C'est un autre exemple de l'intrusion du gouvernement dans les champs de compétence des provinces, du manque de respect envers elles et des conditions que le gouvernement ne respecte pas. On décide à leur place», a-t-il ajouté.

Pour sa part, le chef du NPD, Thomas Mulcair, a soutenu que le plan libéral ne permettra pas au Canada d'atteindre les cibles de réduction des émissions de GES. Le Canada s'est engagé à réduire de 30% ses émissions d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005.

«Les libéraux ont signé le protocole de Kyoto, sans avoir le moindre plan pour le respecter. Le premier ministre l'a admis lui-même, la semaine dernière. En 2008, Stephen Harper a annoncé un prix de carbone à 65 $ la tonne pour 2018. Est-ce que cela nous rappelle quelque chose? C'est de la supercherie conservatrice-libérale», a-t-il dit.