L'agglomération de Longueuil se plie à la demande du sénateur Paul Massicotte et retire le statut d'« écosystème d'intérêt » à la forêt des Hirondelles, sur les flancs du mont Saint-Bruno.

C'est un nouvel épisode du feuilleton autour d'un projet domiciliaire controversé qui dure depuis 10 ans.

Dans une carte présentée dans son projet de schéma d'aménagement, l'automne dernier, l'agglomération de Longueuil avait désigné le terrain comme un « écosystème d'intérêt ».

Dans une nouvelle version de cette même carte et qui a commencé à circuler dernièrement, la désignation a changé pour « milieu à documenter ».

Un terme qui fait bondir le maire de Saint-Bruno-de-Montarville, Martin Murray : « Ne me dites pas que c'est à documenter ! J'ai l'équivalent d'un pied d'épais de documentation. C'est peut-être le milieu naturel le mieux documenté au Québec. »

De leur côté, les dirigeants de la Fondation du Mont-Saint-Bruno se disent « perplexes et très inquiets » dans une lettre à la mairesse de Longueuil, Caroline St-Hilaire, qui préside l'agglomération de Longueuil, et que La Presse a obtenu.

Que s'est-il produit depuis le début de septembre ?

D'abord, en novembre, la société Propriétés Sommet Prestige, du sénateur Paul Massicotte, a déposé un court mémoire à l'agglomération de Longueuil rappelant que l'ancienne administration du maire Claude Benjamin, à Saint-Bruno, avait donné son accord au projet.

Puis, le 3 février dernier, les avocats de M. Massicotte ont sommé la mairesse St-Hilaire de changer le statut du terrain.

« IL Y A UNE CRAINTE D'UNE POURSUITE »

Pour le maire Martin Murray, Longueuil a clairement reculé devant les menaces du sénateur. « Ce qu'on peut comprendre, c'est qu'il y a une crainte d'une poursuite de la part des promoteurs, dit-il. Mais à ce compte-là, on ne fait plus rien. »

Il va s'opposer le 21 avril prochain à l'adoption du schéma d'aménagement de l'agglomération si le statut de protection du terrain n'est pas rétabli.

Il rappelle les nombreux objectifs de conservation fixés dans le Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD), notamment l'augmentation du couvert forestier. « On a comme collectivité le devoir d'être conséquent avec les objectifs du PMAD. Le schéma d'aménagement devrait être une façon de transposer le PMAD sur le terrain. Et actuellement, on fait l'inverse, on remet tout ça dans la cour des villes. »

Selon Flavie Côté, chef de service, Affaires publiques à la Ville de Longueuil, le changement est intervenu pour une autre raison. « Le statut a effectivement changé, mais la Ville de Saint-Bruno doit exécuter ses travaux », notamment compléter son plan de protection des milieux naturels.

Elle assure que le statut « à documenter » offre « le même niveau de protection ».

Mais elle reconnaît en même temps que ce statut n'est « pas permanent » et que le sort du terrain repose maintenant entre les mains de la Ville de Saint-Bruno.

L'urbaniste Bruno Bergeron, porte-parole du sénateur Massicotte, affirme que le projet de lotissement de maisons de luxe est toujours à l'étude au ministère de l'Environnement.

« On a présenté une demande de certificat d'autorisation, on nous a indiqué que notre dossier était présentable, qu'il est complet depuis octobre dernier, dit-il en entrevue avec La Presse. On attend la réponse du ministre. »

La conservation du terrain est une option possible, mais elle aura un coût, dit-il. « Un contrat lie la Ville à mon client pour la construction d'infrastructures et de rues. Ils peuvent revenir sur ce contrat, mais il faudra prévoir une compensation financière. »

10 ANS DE REBONDISSEMENTS

2006 : Le sénateur Paul Massicotte achète un terrain de six hectares adjacent au parc national du Mont-Saint-Bruno au Mount Bruno Country Club pour 1,9 million. Le zonage permet son lotissement.

Février 2011 : Le maire Claude Benjamin, favorable au projet, estime à 6 ou 7 millions la somme qu'il faudrait débourser pour racheter le terrain à des fins de conservation. Une pétition en ce sens recueille 1600 signatures.

Juillet 2011 : Après une consultation publique, le plan de conservation de la Ville de Saint-Bruno est jugé inacceptable, entre autres parce qu'il ignore la présence d'espèces menacées.

Septembre 2011 : Un biologiste réputé de l'UQAM identifie des plants de ginseng à cinq folioles, une espèce menacée au Québec, sur le terrain du sénateur Massicotte.

Décembre 2011 : L'administration Benjamin autorise les travaux de distribution d'eau et de voirie sur le terrain.

Novembre 2013 : Martin Murray succède à Claude Benjamin.

Octobre 2014 : Québec intervient dans le dossier pour protéger le ginseng, en invoquant « l'urgence d'agir ».

Juillet 2015 : Québec assujettit le projet à la Loi sur les espèces menacées et vulnérables, une procédure exceptionnelle.

Septembre 2015 :  L'agglomération de Longueuil désigne la zone comme « écosystème d'intérêt ».

Mars 2016 : L'agglomération de Longueuil retire sa désignation.