La plus importante entente privée de conservation au Canada a du plomb dans l'aile.

Le groupe écologiste Greenpeace accuse, preuve à l'appui, le géant Produits forestiers Résolu d'avoir construit des chemins et abattu des arbres dans les montagnes Blanches, un secteur au nord du lac Saint-Jean qui abrite le caribou forestier, une espèce vulnérable.

«En ce moment, la forêt boréale est plus menacée que jamais, affirme Nicolas Mainville, directeur de Greenpeace Québec. On a passé deux ans et demi à négocier sans résultat concret. Le seul plan de conservation adopté vise le nord-ouest de l'Ontario et ça couvre seulement 4% de la zone boréale.»

Résolu confirme avoir fait des travaux dans les montagnes Blanches mais assure que ses activités ne violent pas l'Entente sur la forêt boréale canadienne (EFBC).

Cette entente a été signée en mai 2010 par les plus grands groupes écologistes et les principales sociétés forestières ayant des activités au Canada, dont Résolu.

Greenpeace avait alors suspendu une campagne internationale percutante qui s'en prenait notamment à la marque Kleenex et aux détaillants de papeterie comme Staples. Le groupe quitte maintenant l'entente et pourrait relancer sa campagne.

«L'Entente sur la forêt boréale canadienne était un cadre pour la coopération par lequel les entreprises comme Produits forestiers Résolu devaient respecter des zones de moratoire, affirme M. Mainville. Quand la plus grande entreprise en forêt boréale ne respecte pas sa parole et détruit ces habitats, elle envoie le message clair que l'accord ne tient plus.»

D'autres signataires réfléchissent à leur implication dans l'entente, à la suite de la déclaration de Greenpeace. «Pour nous, l'important, c'est la protection du caribou forestier et il faut que l'entente réussisse à faire ça, dit Karel Mayrand, de la Fondation David Suzuki. On considère nos options pour la suite. L'information de Greenpeace est troublante.»

Pierre Choquette, directeur principal, affaires publiques de Résolu, affirme que «les allégations de Greenpeace sont non fondées». Il souligne que sept autres groupes écologistes demeurent membres de l'EFBC.

«Dans la région des montagnes Blanches, les activités de récolte ne contreviennent en rien à l'entente, dit-il. S'il y a eu par le passé des moratoires, Résolu les a respectés.»

Faux, répond M. Mainville. «Les blocs de moratoire existent, même s'ils sont en renégociation. Il y avait urgence à s'entendre, pas à relancer la coupe de bois. Le fondement même de l'entente, c'est le moratoire sur la coupe et la fin des campagnes comme celle de Greenpeace.»

Monte Hummel, président du comité directeur de l'EFBC, dit comprendre l'impatience de Greenpeace mais défend en même temps l'industrie.

«Les sociétés estiment que les moratoires ont pris fin en mars, dit M. Hummel. Dans certains cas, elles ont dit: on ne peut plus rester à l'extérieur de ces zones.»

«Peut-être que c'est dans l'intérêt de la forêt et des caribous que Greenpeace sorte de l'entente et mette de la pression de l'extérieur. Peut-être que c'est plus dans leur style.»

«Mais selon nous, tous les signataires de l'entente sont encore d'accord avec ses objectifs, assure-t-il. Ce n'est pas une question de mauvaise foi. C'est simplement que l'ampleur de ce que nous avons mis en oeuvre dépasse ce qu'on prévoyait.»

Greenpeace a affiché sur son site web une carte et des photos «géoréférencées» montrant des chemins forestiers récemment tracés dans les montagnes Blanches, une zone située à l'est du lac Mistassini et au nord du lac Saint-Jean.

Cette zone fait partie d'un total de 28 millions d'hectares de forêt qui a fait l'objet d'un moratoire en vertu de l'EFBC.

Les montagnes Blanches forment l'une des dernières forêts vierges au Québec. On y trouve une forte concentration de caribous forestiers, une espèce menacée, ce qui en fait une zone prioritaire pour la conservation.