Les Québécois n'auront plus le droit d'ici trois ans de jeter aux poubelles leur papier, leur carton et leurs déchets de bois. D'ici dix ans, ils pourront tous composter leurs matières putrescibles, en vertu du plan d'action annoncé ce matin par le ministre Pierre Arcand.

Ce vaste programme, qui compte 40 mesures pour un budget de 71,6 millions, «va donner un nouveau souffle» au recyclage et à l'élimination des déchets au Québec, a soutenu le ministre de l'Environnement. Il propose notamment de réduire de 110 kg par habitant d'ici 2015 la quantité de déchets envoyés à l'enfouissement, pour la porter à 700 kg. En moins de cinq ans, on souhaite augmenter à 70% la part de papier, carton, plastique, verre et métal recyclés -alors que les taux actuels varient de 40 à 60%.

On veut également s'attaquer aux déchets de la construction en recyclant 80% des résidus de béton, de brique et d'asphalte.

Surtout, en investissant 650 millions dans des projets d'usines de biométhanisation et de compostage, on souhaite faire passer le compostage des ménages québécois de 12% à 60%.

«Le temps où les Québécois envoyaient à l'élimination tous leurs déchets est bel et bien révolu, estime le ministre. Le compostage n'était pas dans les préoccupations premières; maintenant, les gens vont répondre si on leur donne les outils nécessaires.»

Les Montréalais bientôt consultés

Quant au bannissement des matières recyclables des sites d'enfouissement, il n'est pas question pour le gouvernement de jouer au policier en menaçant les récalcitrants de contraventions. «Il y aura toujours des rebelles, et je n'ai pas l'intention d'imposer des amendes. Il faut que ce soit un défi de société. Le fruit est mûr, les gens sont conscients que la lutte aux gaz à effet de serre est très importante.»

Il a par ailleurs précisé qu'une large consultation sur le compostage aurait lieu à Montréal au printemps. Si tous les objectifs de ce plan d'action sont atteints d'ici 2015, «ce sera l'équivalent du retrait de 52 000 voitures sur nos routes», a illustré le ministre.

Un comité «aviseur», composé d'une dizaine d'acteurs du milieu -cadres d'entreprises, responsable d'organismes environnementaux, officiers de regroupements municipaux- aura également la tâche de conseiller le ministre. Celui-ci a indiqué vouloir étendre à d'autres produits l'obligation des entreprises de financer la collecte sélective de leurs déchets. Aux peintures et huiles pourraient dès ce printemps s'ajouter les piles domestiques, les lampes au mercure et les appareils électroniques.

Québec met également sur pied quatre nouveaux programmes, dotés d'un budget global de 50 millions, qui permettront notamment la recherche pour de nouvelles technologies de valorisation, ainsi que du soutien à l'économie sociale.

En vertu du projet de loi 88, qui n'est pas encore adopté, les municipalités auront en outre droit à une pleine compensation de leurs coûts pour les programmes de récupération. On promet une méthode mathématique pour évaluer ces coûts, plutôt qu'un recours à la négociation. Enfin, pour encourager les changements de comportement, une nouvelle redevance de 9,50$ par tonne de matière résiduelle éliminée viendra s'ajouter à celle de 10,50$ déjà imposée depuis 2006.

L'UMQ demande des moyens

Ce plan d'action, «un grand pas par son adoption et un pas de géant par son application», a été élaboré après une année de consultation, au cours de laquelle 103 mémoires et un millier de commentaires ont été recueillis, explique-t-on au Ministère. Le but est d'arriver à n'envoyer au site d'enfouissement que «le résidu ultime», celui que la technologie actuelle ne permet pas de réutiliser. La plupart des emballages de styromousse, la litière pour animaux domestiques, la vaisselle brisée et les couches jetables entrent dans cette catégorie.

L'Union des municipalités du Québec a accueilli de façon positive les orientations de ce plan, notamment la création d'un comité aviseur. Par communiqué, elle a toutefois déploré que le ministre ne s'est pas engagé fermement à compenser à 100% les municipalités pour les coûts liés à la collecte sélective. «L'UMQ demande un modèle de financement basé sur le principe du pollueur payeur, a précisé le président de l'UMQ et maire de Rimouski, Éric Forest. 85% des dépenses relatives à la gestion des matières résiduelles sont encore financées par l'impôt foncier.»