Si les conservateurs de Stephen Harper sont sérieux dans leur intention de lutter contre les changements climatiques, ils se doivent de financer adéquatement la recherche environnementale, estiment les partis de l'opposition à Ottawa, qui voient d'un très mauvais oeil l'exode des cerveaux qui commence déjà à se faire sentir.

Hier, de nombreux scientifiques, spécialistes du climat, dénonçaient dans La Presse l'incertitude entourant le financement de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère (FCSCA). Ottawa a bel et bien prolongé le mandat de la Fondation jusqu'en 2012, mais sans lui octroyer d'autres fonds. Or, la dernière enveloppe budgétaire date de 2004, sous Paul Martin. Cinquante millions avaient alors été ajoutés aux 60 millions de dollars accordés par Jean Chrétien à la création de cette structure pancanadienne de recherche sur le climat, en 2000.

 

Or, les fonds devraient manquer au cours de l'année 2011, et devant la difficulté de planifier des projets à long terme, certains scientifiques se tournent vers d'autres pays qui financent davantage la recherche scientifique.

Selon le critique libéral en matière de sciences et technologies, Marc Garneau, l'exode de scientifiques canadiens réputés vers d'autres pays est «extrêmement préoccupant» et dénote un «manque de vision» du gouvernement de Stephen Harper en matière de recherche et développement.

«Je crois que c'est le début des coupes ou du non-renouvellement des programmes, a estimé M. Garneau. Mais faire des coupes dans un domaine aussi important que la recherche sur les changements climatiques, c'est une grande erreur. Le message est que la recherche sur l'environnement, comme toutes les questions environnementales, ça n'a pas une grande importance pour eux.»

Selon le chef adjoint du NPD, Thomas Mulcair, le gouvernement conservateur tente de ramener le Canada «à l'époque de Galilée», où les scientifiques se faisaient dicter quoi penser.

«Les conservateurs ont une doctrine, que les changements climatiques, c'est de la foutaise, alors la dernière chose qu'ils vont faire, c'est financer des chercheurs pour prouver le contraire», a souligné M. Mulcair.

Même son de cloche au Bloc québécois, où on estime qu'Ottawa ne veut plus financer des recherches «qui vont à l'encontre de la politique gouvernementale, qui est d'en faire le moins possible», a expliqué le leader parlementaire bloquiste, Pierre Paquette.

«C'est une approche très idéologique. On a vu la même chose avec les bourses en sciences humaines: l'argent doit maintenant servir à des projets sur le monde des affaires», a-t-il ajouté.

M. Paquette juge que le gouvernement conservateur sous-estime le mécontentement de la population envers l'inaction d'Ottawa sur la question des changements climatiques.

La semaine dernière, un sondage Angus Reid réalisé auprès de plus de 1000 personnes indiquait que les Canadiens ont été déçus du rôle, très timide, joué par Stephen Harper à la conférence sur les changements climatiques de Copenhague, en décembre.

L'Association francophone pour le savoir (ACFAS) a aussi réagi hier en sommant le gouvernement Harper «d'assurer la pérennité du financement de la FCSCA, en ces temps particuliers de crise environnementale». «La décision du gouvernement traduit sa méconnaissance de la recherche et des intérêts qu'elle représente pour la société.»