Dans la lutte contre les changements climatiques, Ottawa est à la traîne d'une bonne partie de la planète, accuse le premier ministre Jean Charest. Le gouvernement Harper doit selon lui présenter sans tarder une stratégie environnementale plus musclée afin d'être en phase avec l'administration Obama et le consensus international qui se dessine à Davos.

Hier, au Forum économique mondial qui se tient dans les Alpes suisses, Jean Charest a assisté à un atelier concernant la conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui aura lieu à Copenhague en décembre. C'est à cette occasion que sera négocié un «Kyoto 2», une nouvelle entente sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) après 2012.

 

«Il faut en arriver à une entente cette année, pas l'an prochain, a affirmé l'ancien vice-président américain et écologiste Al Gore, un des participants. Nous avons besoin d'un capitalisme durable, plus vert.»

La nouvelle administration américaine, à l'inverse de la précédente, fera preuve de leadership dans la lutte contre les changements climatiques. «Barack Obama est la personne la plus verte de son administration, a lancé M. Gore. Il milite très fort pour une action importante dans la bonne direction.»

Al Gore vante le Québec

Son plan de 820 milliards de dollars pour stimuler l'économie, adopté par la Chambre des représentants, comprend des investissements importants dans les technologies vertes, a-t-il ajouté. M. Gore souhaite la mise sur pied d'un système de quotas et d'échanges de droits d'émissions de GES échangés dans une Bourse du carbone (cap and trade en anglais).

L'ancien vice-président a fait plaisir à Jean Charest en affirmant devant la fine fleur du monde des affaires et de la politique que des provinces canadiennes s'impliquent activement dans la création d'un tel système et ont déjà adopté une taxe sur le carbone. «C'est le Québec et la Colombie-Britannique, mais le Québec a été le premier. J'étais très content» de la sortie de M. Gore, a dit M. Charest après l'atelier.

À la conférence de Copenhague dont il sera l'hôte, le premier ministre du Danemark, Anders Fogh Rasmussen, souhaite que les parties s'entendent pour réduire de moitié les émissions de GES d'ici 2050, comme l'envisage le G8.

Pour 2020, une perspective plus réaliste en vue de Copenhague, la réduction devrait être de 30 % sous le niveau de 1990 dans le cas des pays riches et de 15 à 30 % dans le cas des pays en développement - comme la Chine et l'Inde - mais par rapport aux niveaux actuels, a-t-il proposé.

Le patron de la pétrolière Royal Dutch Shell, Jeroen van der Veer, a affirmé que les gouvernements doivent fixer une cible de réduction des GES pour 2050, sans toutefois préciser laquelle. Selon lui, «on n'ira nulle part si on ne fixe pas un prix au carbone», le premier pas vers la création d'un système de cap and trade. Cette opinion est partagée par plusieurs décideurs importants à Davos.

«Je vois cet enjeu comme une occasion. Et la crise économique actuelle n'est pas une raison pour ralentir le mouvement», a-t-il répondu au modérateur de l'atelier, Thomas L. Friedman, chroniqueur au New York Times.

Pour Jean Charest, le gouvernement Harper est en train de manquer le coche. «C'est frappant de voir à quel point le Canada a du rattrapage à faire» dans la lutte contre les changements climatiques, a lancé le premier ministre lors d'un point de presse.

Le gouvernement Harper devra selon lui adopter une nouvelle stratégie de réduction des émissions de GES. «Il ne peut pas trop tarder», a-t-il insisté.

Ottawa a renoncé à respecter la cible de Kyoto, contrairement à Québec. Dans leur plan, les conservateurs se sont engagés à réduire de 20 % d'ici 2020 et de 50 % d'ici 2050 les émissions de GES par rapport à 2006. C'est une cible peu ambitieuse puisque l'année de référence du protocole de Kyoto est 1990. Le plan conservateur équivaut à une réduction des émissions de GES de 3 % d'ici 2020 par rapport à 1990.

L'Union européenne s'est engagée à réduire d'ici 2020 ses émissions de 20 % sous le niveau de 1990 - et même de 30 % si le reste de la planète emboîte le pas. Pendant la campagne présidentielle aux États-Unis, Barack Obama a promis de ramener les émissions de GES à leur niveau de 1990, un objectif plus modeste encore que celui de Stephen Harper. Mais les observateurs s'attendent à ce que le nouveau locataire de la Maison-Blanche fixe une cible plus ambitieuse en prévision de la conférence de Copenhague.

Jean Charest note qu'à Davos, «il y a une volonté forte d'en arriver à une entente en 2009 compte tenu de l'urgence de la situation». À ses yeux, «le nouveau gouvernement américain change toute la donne.»

«Il y a un mouvement, un effet d'entraînement, qui fait en sorte que le Canada dans tout ce dossier ne pourra faire autrement que de suivre», a ajouté M. Charest, qui a rencontré hier le secrétaire exécutif de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Yvo De Boer.

Selon le premier ministre, les initiatives à venir à l'échelle internationale pour lutter contre les changements climatiques bénéficieront au Québec. «Dorénavant, si une compagnie produit du carbone, des GES, ça va entrer dans son bilan. Ça rend l'économie du Québec drôlement plus intéressante. Parce que l'hydroélectricité est une énergie renouvelable, qui ne génère pas de coût en carbone pour une entreprise. Alors ça nous donne un avantage très important», a-t-il souligné.