Le Canada, le Japon et l'Australie ont mené une fronde contre la communauté internationale, afin de l'empêcher de fixer une cible globale de réduction des émissions qu'ils jugent trop ambitieuse, a appris La Presse.

Lors d'une rencontre à huis clos, samedi à la Conférence sur le climat de Poznan, le trio a exigé le retrait d'un des 15 paragraphes du document de négociation sur l'avenir du protocole de Kyoto.

 

Celui-ci visait une réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays riches de 25 à 40% d'ici 2020, sous leur niveau de 1990.

La Presse a mis la main sur deux versions du même document, celle du vendredi et celle du samedi, soit la plus récente (aucune négociation n'a eu lieu dimanche et hier). Entre les deux, une différence subtile, mais importante: l'ajout de crochets au début et à la fin du paragraphe, ce qui, dans le langage diplomatique, signifie un désaccord des parties.

Or chaque document chaque mot même nécessite l'appui unanime des pays pour être adopté.

Des sources proches des négociations ont soutenu que trois délégations sont opposées au paragraphe, soient le Canada, le Japon et l'Australie (la Russie a aussi été nommée, mais cette information n'a pu être corroborée).

« Ces trois pays s'étaient pourtant dits d'accord sur cet objectif l'an dernier (lors de la conférence de Bali), a fait remarquer un négociateur, sous le couvert de l'anonymat. Si ce paragraphe disparaît d'ici vendredi, ce sera donc un énorme pas en arrière. «

En entrevue, Brice Lalonde, chef de la délégation française (et donc de l'Union européenne), a confirmé que « certains pays, dont le Canada «, s'opposent à la fourchette de réduction 25- 40 %, bien que celle-ci ait été fixée par le GIEC, le réputé groupe de scientifiques du climat rattaché à l'ONU.

«Nous allons parler avec le Canada à ce sujet», a-t-il indiqué, laconique.

Mi-février

Par ailleurs, le document de travail précise que les signataires de Kyoto sont «invités» à présenter leur cible internationale de réduction des émissions d'ici le 15 février prochain. Il a toutefois été impossible de savoir si cette date

butoir sera contestée ce matin, lors de la reprise des négociations.

Le Canada, par exemple, pourrait avoir de la difficulté à rendre publique si rapidement son objectif international, en raison de la crise politique qui secoue Ottawa d'abord, mais aussi du retard qu'accuse son plan vert. Pour l'heure, le pays n'a qu'une cible domestique à l'horizon 2020 (3% sous le niveau de 1990, une fois corrigée selon les normes internationales), mais

aucune réglementation en ce sens.

La question de l'année à partir de laquelle les réductions d'émissions

sont comptabilisées (1990 pour la communauté internationale, 2006 pour le Canada) est d'ailleurs, elle aussi, au coeur des négociations. Des sources ont

indiqué que le Canada a appuyé le Japon, qui a proposé que les pays aient plus de souplesse pour fixer cette année de référence.

Certains pays s'opposent à une telle mesure, de crainte qu'elle ne porte à confusion, alors que d'autres, comme l'Union européenne, mi n imise son

importance.

«Nous avons une flexibilité sur l'année de référence, du moment que les efforts (de chaque pays) sont comparables «, a indiqué Brice Lalonde, en entrevue. Il

ajouté que pour s'assurer qu'une telle équité soit respectée, des «indicateurs objectifs» devraient être utilisés.

Bien que le chef de la délégation française ne les ait pas nommés, on peut penser aux émissions par habitant, par exemple, à la richesse d'un pays (PIB), ou encore au coût de réduction d'une tonne de CO2. De telles statistiques permettraient de fixer des cibles pour chaque pays, de manière à ce qu'elles

soient équitables. Le Canada n'a pas tenu de point de presse, hier, jour de

congé pour les négociateurs.