La communauté internationale est prévenue: si elle souhaite recevoir l'appui du Canada dans la lutte contre les changements climatiques, elle devra d'abord répondre à ses nombreuses exigences.

En entrevue téléphonique avec La Presse, hier, le ministre fédéral de l'Environnement, Jim Prentice, a énuméré la liste des conditions qu'il soumettra à ses homologues la semaine prochaine, lors de son passage à la Conférence de l'ONU sur le climat qui se déroule à Poznan.

 

Il exigera par exemple que la cible du Canada soit moins ambitieuse que celle des autres pays industrialisés, en raison de «circonstances nationales». «Le pays est énorme, sa population est modeste et dispersée, son climat est nordique. Par définition, il s'agit donc d'un pays qui émet de grandes quantités de carbone, car les gens doivent se chauffer et se déplacer sur de longues distances», a-t-il souligné.

À cela, il ajoute que l'économie du pays est basée sur l'exploitation des ressources naturelles, en tout premier lieu le pétrole bitumineux, ce qui justifie amplement un traitement différent dans le cadre de l'élaboration d'un traité international qui succédera, après 2012, au protocole de Kyoto.

Autre condition: tous les grands émetteurs de la planète doivent s'engager à réduire leurs émissions, incluant la Chine, l'Inde, le Brésil et les États-Unis. «Tous doivent être soumis à un nouveau protocole, a-t-il indiqué, selon une logique de parité des efforts fournis.»

Or, la communauté internationale est déchirée sur ce point, ce qui pourrait bien faire achopper les négociations à Poznan, et dans les mois qui suivront la conférence. Les pays en développement estiment en effet que le fardeau de l'effort doit d'abord revenir aux pays riches, qui sont à leurs yeux les responsables historiques du réchauffement.

Le Canada entend par ailleurs demander qu'un «équilibre» soit trouvé entre les enjeux environnementaux et économiques. Il laisse même entendre qu'une révision à la baisse de la réglementation canadienne est possible, en raison de cette même crise financière.

M. Prentice persiste donc et signe les propos qu'il a tenus vendredi dernier en Alberta: «Nous n'aggraverons pas -et je veux être bien clair là-dessus-, nous n'aggraverons pas les problèmes déjà réels de l'économie au nom du progrès environnemental. Et si cela signifie qu'il faut revoir notre façon de faire pour mieux l'adapter aux réalités de l'économie, et bien ainsi soit-il.»

Qu'est ce que cela signifie au juste? «Notre plan Prendre le virage fixe des cibles pour 2010, lesquelles seront rendues publiques l'an prochain aux fins de consultation. Je ne mettrai pas de l'avant des cibles qui ne sont pas réalistes (unworkable) dans le contexte économique.»

Citant quelques-unes de ces conditions, les écologistes sont d'ailleurs tombés à bras raccourcis sur le Canada, hier à Poznan. Accusé de vouloir se défiler de ses obligations en prétextant de faux arguments, il s'est mérité quatre «fossiles du jour», ce prix remis quotidiennement par le Réseau Action Climat International, qui réunit plusieurs centaines de groupes écolos de partout dans le monde.

La communauté internationale est réunie en Pologne depuis lundi dans le cadre de la Conférence annuelle de l'ONU sur le climat. L'objectif est de s'entendre sur une «vision commune» de la lutte contre les changements climatiques, d'ici le vendredi 12 décembre, afin d'élaborer l'an prochain un tout nouveau traité de réduction des émissions de gaz à effet de serre post-2012.

À cette fin, d'ailleurs, le ministre Prentice a révélé à La Presse que le Canada pourrait bien, dans cet éventuel traité, ne pas s'engager à réduire de façon absolue ses émissions de gaz à effet de serre, comme l'exige le protocole de Kyoto.

«Ce pourrait être plutôt un système d'échange de permis (cap and trade), des cibles d'intensité ou autre chose. Honnêtement, tout cela peut mener à la même place. Le but est de réduire les émissions de carbone», rappelle-t-il.

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