Les nuages sombres s'accumulent au-dessus des négociations post-Kyoto. Au moment où la crise économique semble vouloir éclipser la crise climatique, l'Europe est secouée par un démêlé politique qui n'augure rien de bon pour la suite des choses.

Cela est d'autant plus inquiétant, aux yeux des observateurs, qu'à un peu plus d'un mois de la prochaine conférence sur le climat, on ne sait toujours pas où logeront le Canada et les États-Unis, qui seront alors en pleine transition présidentielle.

« Il y a matière à inquiétude », a indiqué Steven Guilbeault, d'Équiterre.

Réunis hier au Luxembourg, les ministres européens de l'Environnement ont constaté l'impasse dans laquelle ils sont embourbés, à six semaines de la conférence de l'ONU sur le climat, qui doit se tenir à Poznan, en Pologne.

Le bras de fer est tel que la France, qui préside l'Union européenne, a dû mettre hier son poing sur la table. « Ce n'est pas la peine d'aller à Poznan si la démonstration n'est pas faite par l'Europe de sa capacité à avancer », a lancé le ministre français de l'Écologie, Jean-Louis Borloo.

Cette menace de Paris ne doit pas être prise à la légère, car au coeur des débats se trouve un accord qui doit, précisément, servir de locomotive aux négociations post-Kyoto. Pour la communauté internationale, un désaccord européen serait donc de très mauvais augure pour la conférence de Poznan.

« Ce serait vraiment dangereux que l'Union européenne ne tienne pas son engagement pour la fin de l'année », a d'ailleurs reconnu le responsable du bureau climatique de l'ONU, Yvo De Boer.

La mésentente porte sur l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre des 27 pays réunis à l'horizon 2020 (- 20 %), que la France voudrait sceller d'ici le début décembre. Or l'Italie et la Pologne, appuyées par sept autres États, le trouvent trop ambitieux et ont demandé que la cible soit assouplie, sous peine de veto.

« Je parlais à des négociateurs français cette fin de semaine et ils m'ont dit n'avoir aucune inquiétude avec l'Italie, avec qui ils finissent toujours par s'entendre. Mais avec la Pologne, c'est une autre paire de manches. Espérons que son statut d'hôte de la conférence la pousse à livrer la marchandise », a noté Steven Guilbeault, un habitué des conférences internationales sur le climat.

La Conférence de Poznan, qui se tiendra du 1er au 12 décembre, doit servir de tremplin à la conclusion d'un accord succédant à Kyoto (2008-2012), l'année suivante à Copenhague.

Les attentes sont toutefois bien modestes, car en plus de la chicane diplomatique qui secoue l'Europe, la crise financière semble vouloir éloigner certains pays d'engagements clairs et sérieux. Bien qu'aucune déclaration officielle n'ait été faite en ce sens, les avertissements se font de plus en plus nombreux.

« Une crise ne doit pas servir d'obstacle à l'action sur une autre crise », a déclaré le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, une formule répétée presque mot pour mot par le président français, Nicolas Sarkozy.

Cela survient dans la foulée de la réélection des conservateurs au Canada, ce qui représente un écueil potentiel pour les négociations internationales. Le gouvernement Harper a en effet joué les trouble-fêtes lors des dernières conférences climatiques de Bali et de Nairobi.

« De deux choses l'une : ou bien le gouvernement Harper va maintenir sa position - on parle beaucoup, mais on n'agit pas -, ou bien il vont tirer des leçons de la campagne et décider d'agir, afin de gagner des appuis au Québec », analyse M. Guilbeault.

Aux États-Unis, enfin, les écologistes se réjouissent que les deux candidats présidentiels soient favorables à un retour de Washington à la table de négociations. Mais on réduit du même souffle les attentes, précisant que le prochain président ne sera en poste qu'au mois de janvier.