En «bons gestionnaires de l'environnement», les Albertains exploitent les sables bitumineux «de façon à protéger la planète».

Voilà la promesse que fera aux Québécois le premier ministre albertain ce midi, lors d'une conférence qu'il donnera au Palais des congrès de Montréal. À quelques semaines du dépôt d'un projet visant le transport du pétrole bitumineux jusqu'au Québec, Ed Stelmach jugeait nécessaire de faire le voyage afin de rétablir lui-même les faits.

«J'aimerais profiter de cette occasion pour dissiper certaines idées fausses qui courent peut-être au Québec au sujet des sables bitumineux», écrit-il dans une lettre publiée aujourd'hui dans La Presse (page A26).

M. Stelmach y défend le bilan environnemental des sables bitumineux, les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre de son gouvernement ainsi que le virage technologique qu'entreprendra la province grâce à la séquestration du carbone.

«Nous avons le deuxième gisement de sables bitumineux en importance au monde, et l'appétit mondial en énergie ne cesse de croître, précise-t-il. Je promets aux Québécois ce que j'ai déjà promis aux Albertains et à tous les Canadiens: nous exploiterons nos ressources de façon à protéger l'avenir de notre planète.»

Cette offensive médiatique survient quelques jours après le lancement, par une coalition de groupes écologistes, d'une pétition contre le projet de l'entreprise Enbridge, qui compte demander aux autorités fédérales, le mois prochain, la permission de transporter du pétrole brut de Fort McMurray jusqu'aux raffineries de l'est de Montréal.

Elle s'inscrit également dans la foulée des voyages faits aux conventions républicaine et démocrate cet été par cinq ministres influents du gouvernement conservateurs, dont l'objectif était de présenter sous un jour positif l'exploitation des sables bitumineux.

Réponses des écolos

Comme on pouvait s'y attendre, la visite du premier ministre albertain à Montréal a fait réagir les environnementalistes du Québec. À leur tour, ils ont envoyé une lettre ouverte aux journaux montréalais.

«Lourde tâche que celle de faire la promotion au Québec d'une industrie aussi aberrante tant sur le plan énergétique qu'environnemental, qui, de plus, draine les capitaux vers l'Ouest et siphonne la main-d'oeuvre spécialisée d'ici dans une nouvelle ruée vers l'or noir», peut-on lire dans la missive, signée par deux employés d'Équiterre, Thomas Duchaine et Hugo Séguin.

Alors que ces derniers présentent les «sables de la dépendance» comme une ressource dont l'exploitation est extrêmement polluante, le premier ministre Stelmach rétorque que tout cela est du folklore et que «les méthodes ont beaucoup évolué» depuis quelques années. Il vante aussi la sévérité du plan vert de l'Alberta.

«Nous avons adopté des règlements qui protègent le sol, l'air et l'eau, indique M. Stelmach. Nous recyclons 90% de l'eau qui sert à extraire le pétrole des sables bitumineux. De plus, la qualité de l'air dans la région de Fort McMurray a été jugée bonne ou très bonne 98% du temps, ce qui est mieux que celle de bon nombre de villes canadiennes, y compris Montréal.»

Le premier ministre termine sa lettre en rappelant l'importance économique de l'exploitation pétrolière pour tout le pays, le Québec compris. Ce «projet de portée nationale», précise-t-il, attirera 170 milliards de dollars en investissement en 10 ans, en plus de rapporter quelque 100 milliards en revenus fiscaux «aux gouvernements fédéral et provinciaux» d'ici à 2020.

Tout ce débat survient en pleine campagne électorale fédérale, alors que les partis d'opposition tentent d'associer Stephen Harper à ce que certains qualifient de «gâchis environnemental».

Si les libéraux se sont faits plutôt muets sur la question, les néo-démocrates proposent un moratoire sur l'attribution de nouveaux permis d'exploitation des sables bitumineux, le temps de mieux encadrer l'industrie. Les verts souhaitent plutôt interrompre la production pétrolière issue de ces gisements. Le Bloc, qui s'oppose à un moratoire, entend plutôt faire obstacle au projet d'Enbridge.

Pour joindre notre journaliste: francois.cardinal@lapresse.ca