L'Ontario «fait preuve de leadership» dans la protection de la forêt boréale et le gouvernement du Québec sera à son écoute cette semaine, à l'occasion d'un colloque sur les aires protégées.

Cet été, l'Ontario a fait le plus grand geste de conservation de l'histoire du Canada en annonçant qu'elle protégerait 50% de la forêt située au nord du 50e parallèle, dans le nord de la province. C'est 225 000 km2, l'équivalent de trois fois le Nouveau-Brunswick. Et en même temps, l'Ontario a ouvert un vaste territoire à des industries forestière et minière réformées.

 

«Il faut dire que l'Ontario fait preuve de leadership, très certainement», dit Patrick Beauchesne, directeur du patrimoine écologique et des parcs au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP).

Cette semaine à Québec, le MDDEP est l'hôte du colloque annuel du Conseil canadien des aires écologiques. La conférence de clôture sera prononcée ce soir par l'artisan de l'annonce ontarienne, le sous-ministre adjoint David de Launay. «L'objectif est de bien se faire expliquer le processus qui va être mis de l'avant», dit M. Beauchesne.

Certains conférenciers se demandent si le Québec est mûr pour un geste comme celui de l'Ontario. Actuellement, le Québec protège 7% de sa zone boréale.

L'annonce ontarienne a déjà ses échos au Québec. Des groupes écologistes pancanadiens qui ont fait la campagne couronnée de succès en Ontario ont demandé cette semaine au Québec d'en faire autant. Et ce qu'ils demandent n'est rien de moins qu'une révolution: protéger 50% de la forêt boréale encore intacte.

«Nous voulons que cette idée soit au coeur du Plan Nord que le gouvernement du Québec est en train de préparer», dit Marie-Ève Marchand, de la Société pour la nature et les parcs.

«En ce moment, l'avenir du Grand Nord québécois est ouvert, dit Harvey Locke, de l'Initiative boréale canadienne. Mais on n'a jamais vraiment discuté de ce qu'on veut pour l'avenir.»

Ils s'appuient entre autres sur la Convention pour la conservation de la forêt boréale, un accord entre écologistes, autochtones et certaines compagnies forestières, comme Tembec et Domtar, qui prône la protection de 50% de la forêt boréale. Cette convention a reçu l'appui de 1500 scientifiques sur la planète.

Le projet de conservation ontarien est d'autant plus remarquable qu'il a l'ambition de régler en même temps les différends avec les autochtones, et qu'il est annoncé alors que l'industrie minière multiplie la prospection dans le Nord ontarien.

«Mais avant qu'on nous complimente sur nos talents de négociateurs, il faut dire que ce projet procure des avantages à tout le monde, dit M. de Launay. C'est une approche sur trois fronts, avec un accent sur la protection environnementale, mais aussi une planification avec les autochtones et plus de certitude pour l'industrie.»

«On parle de protéger la moitié des territoires au nord du 50e parallèle, où il n'y a pas encore d'exploitation forestière actuellement, alors cette annonce crée des conditions où il pourra y en avoir, si les communautés autochtones le veulent bien.»

«Pour les mines, poursuit M. de Launay, c'est un peu plus compliqué. On ne sait pas où sont les ressources. Ce sera un plus gros défi de tracer les lignes. Mais au moins, les choses seront claires pour l'industrie.»

Colin Scott, anthropologue à l'Université McGill, participe au colloque. Selon lui, les Cris seraient prêts à protéger 50% de la forêt boréale qu'ils habitent, s'ils sont impliqués dans les décisions et la gestion. M. Scott a aidé la communauté de Wemindji à décider des contours de l'aire protégée de Paakumshumwaau-Maatuskaau (4300 km2), annoncée le printemps dernier par Québec.

«Ça a été un défi de travailler sur une base de 8%, dit M. Scott. J'ai le sentiment que 50%, cela se rapprocherait de la façon dont la communauté conçoit la façon de conjuguer la conservation, les activités traditionnelles et le développement.»

 

La forêt boréale en bref

La forêt boréale, connue sous le nom de taïga en Russie, est la plus étendue sur la planète, avec 12 millions de kilomètres carrés. Elle est exploitée pour son bois et est affectée par les projets industriels et miniers. Son importance pour la régulation du climat est de mieux en mieux comprise. L'Ontario estime que les écosystèmes de sa forêt boréale (forêts et tourbières) absorbent chaque année 12,5 millions de tonnes de gaz carbonique. Et une toute nouvelle recherche publiée la semaine dernière dans la revue Nature affirme que, contrairement à ce qui est enseigné dans les facultés de biologie depuis 40 ans, les forêts continuent d'absorber du carbone même quand elles sont arrivées à maturité.