Ottawa sonne le glas de « toute activité » pouvant détruire l'habitat essentiel de la baleine noire de l'Atlantique et du béluga de l'estuaire du Saint-Laurent en ajoutant une protection légale sur les zones critiques à leur survie. Au Québec, une bande de Baie-Saint-Paul à Saint-Siméon est maintenant protégée pour le béluga, mais pour la baleine noire, rien n'est encore désigné dans le Golfe, malgré l'épisode de mortalité sans précédent de 2017. Explications.

GRANDE IMPORTANCE

Le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Dominic LeBlanc, a signé mercredi une série de décrets visant la protection de l'habitat essentiel d'espèces en péril. Ces endroits vitaux seront donc protégés en vertu de la Loi sur les espèces en péril. « L'importance, elle est grande », assure le directeur général de la Société pour la nature et les parcs (SNAP) Québec, Alain Branchaud, qui salue « ce pas dans la bonne direction ». « Jusqu'à maintenant, on avait des mesures d'interdiction générale [avec la Loi sur les espèces en péril], mais là, on a vraiment un instrument légal qui vient solidifier nos possibilités d'intervention comme société. » Les habitats essentiels sont entre autres les lieux où les femelles mettent bas, où les oeufs éclosent, ou encore où les petits sont élevés.

IMPACT SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE

Avec cet ajout législatif, « toute activité humaine » ou menace susceptible de causer la destruction de l'habitat essentiel est interdite. La perturbation acoustique, la suppression de proies, la navigation, le sonar ou les activités industrielles pourraient notamment être montrés du doigt. Selon Alain Branchaud, certains projets de développement dans la foulée de la mise en place de la Stratégie maritime, par exemple, pourraient devoir être rajustés. « Leur réalisation devra passer par un cadre réglementaire, une autorisation ou un permis dont le critère sera très élevé », dit-il.

Il faut comprendre que cette nouvelle protection ne vient pas proscrire directement une activité ou imposer une mesure. « Ce que ça dit, en gros, c'est qu'on n'a pas le droit de détruire l'habitat essentiel d'une espèce en voie de disparition », explique Robert Michaud, du Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins.

RIEN POUR LA BALEINE NOIRE AU QUÉBEC

Malgré la mort de 17 baleines noires dans les eaux du golfe du Saint-Laurent l'été dernier, la portion québécoise fréquentée par le mammifère marin n'est pas officiellement désignée par Ottawa à ce stade, parce que leur visite est encore relativement nouvelle. Le ministre LeBlanc a d'ailleurs assuré qu'une mise à jour de la désignation des habitats essentiels sera faite « aussi rapidement que possible » lorsque surviendront de « nouveaux enjeux et des changements d'ordre environnemental ». Les habitats protégés mercredi ont été désignés dans les programmes de rétablissement réalisés pour la baleine noire en 2014 et pour le béluga en 2012.

La protection des habitats « n'est pas le seul outil » pour assurer une meilleure cohabitation avec les espèces en péril, soutient M. Michaud. Des propos qui trouvent aussi écho chez Alain Branchaud, de la SNAP Québec, dont l'organisme réclame notamment l'accélération du processus de création des aires protégées du banc des Américains et des Îles-de-la-Madeleine pour mieux protéger la baleine noire.

LES HABITATS NATURELS EN BREF

L'habitat essentiel de la baleine noire de l'Atlantique, dont la population est estimée à moins de 500 individus, se trouve aux bassins Roseway, près de la Nouvelle-Écosse, et Grand Manan, dans la baie de Fundy. L'habitat essentiel du béluga de l'estuaire du Saint-Laurent s'étend des battures aux Loups Marins, à l'ouest de Baie-Saint-Paul, jusqu'à la portion sud de l'estuaire, au large de Saint-Siméon. Il inclut aussi la portion aval de la rivière Saguenay. Les habitats essentiels de trois espèces de poissons - le lépisosté tacheté, le dard de sable et le chabot des montagnes Rocheuses - et d'un mollusque - l'ormeau nordique - sont aussi protégés depuis mercredi.