Papillon emblématique de l'Amérique du Nord, remarquable pour sa migration annuelle de 4000 kilomètres, le monarque a perdu tellement d'altitude ces dernières années que le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada recommande de l'ajouter à la liste des espèces en voie de disparition. Les recommandations des scientifiques de ce comité, appelé COSEPAC, sont généralement suivies par le ministre de l'Environnement - dans ce cas-ci Catherine McKenna. Le monarque pourrait donc être déclaré officiellement en voie de disparition d'ici quelques mois.

Qu'est-ce qui se passe avec le monarque ?

Sa population a chuté de plus de 90 % depuis 20 ans. Il y en avait environ 1 milliard et il n'y en a plus que 60 millions, selon Maxim Larrivée, chef de la recherche et des collections à l'Insectarium de Montréal. « Depuis 20 ans, il diminue, mais depuis 2012, la population a franchi un nouveau seuil, dit-il. Il a perdu de la résilience. N'importe quel impact peut avoir des influences très importantes. »

Où vit le monarque ?

Ce papillon de 5 grammes a une vie mouvementée. En mars, les adultes de l'année précédente quittent le Mexique, où ils ont passé l'hiver dans des colonies extrêmement concentrées. Ils se reproduisent au Texas. Puis la prochaine génération monte vers le nord des États-Unis, où une deuxième reproduction a lieu. Les premiers adultes arrivent au sud du Canada à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin, et se reproduisent. Cette troisième génération vit toute sa vie chez nous et se reproduit pour engendrer les individus qui iront hiverner au Mexique, après une migration de 4000 kilomètres. Ils se rassemblent alors sur les hautes montagnes des États de Mexico et de Michoacán.

Pourquoi le monarque est-il en danger ?

Selon Jenny Heron, membre du COSEPAC, les menaces sont multiples. « Il y a des effets cumulatifs des pesticides, de la perte d'habitat, de la perte de leur plante hôtesse, l'asclépiade, explique-t-elle en entrevue avec La Presse. Il y a beaucoup de facteurs à cause de la grande aire de répartition du monarque. »

Quel a été le facteur déterminant dans la décision ?

« La situation dans son aire d'hivernage au Mexique, dit Mme Heron. Ils y sont de moins en moins nombreux. » C'est en effet au Mexique qu'il est plus aisé de suivre la population de monarques, et elle est en chute libre. Il y a des menaces qui planent sur le papillon là-bas, mais la chute de la population est aussi le reflet de ses difficultés ailleurs sur le continent. « La taille des sites d'hivernage a été réduite, dit Maxim Larrivée. Il y a eu de la déforestation. Parfois, même si c'est à petite échelle, ça affecte le microclimat. » Et avec l'extrême concentration de la population dans des « aires d'hivernage remarquablement minuscules », selon les termes du COSEPAC, la chute brutale du nombre d'individus place le monarque dans une situation encore plus précaire.

« Toute espèce qui perd plus de 90 % de sa population court des risques d'extinction », affirme Maxim Larrivée, chef de la recherche et des collections à l'Insectarium de Montréal.

« Au début de mars 2016, il y a eu une tempête de verglas au Mexique, explique M. Larrivée. Il y a eu 10 % de pertes immédiates, mais manifestement, les survivants ont été affaiblis parce que les populations sont retombées à des niveaux très bas. »

Que peut-on faire pour sauver le monarque ?

Le papillon est déjà l'emblème de la Commission de coopération environnementale Canada-États-Unis-Mexique (CCE). Cet organisme, dont le siège est à Montréal, appuie les mesures de protection, qui seront nécessairement internationales dans le cas de cette espèce migratoire. Si le monarque est ajouté officiellement à la liste des espèces en voie de disparition, le Canada devra adopter un programme de rétablissement. Mais on manque de données pour passer à l'action, selon Maxim Larrivée.

« La chute a été tellement rapide ! Avant de mettre en place un programme de rétablissement, il faut retourner sur le terrain. Il faut identifier les zones de reproduction. Il faut créer le meilleur réseau d'aires de reproduction au Canada, pour que notre pays fasse sa part », dit Maxim Larrivée, chef de la recherche et des collections à l'Insectarium de Montréal.

À cette fin, l'équipe de l'Insectarium a lancé, l'été dernier, Mission Monarque, un programme de science participative avec le grand public, qui est invité à signaler les observations de monarque et la présence d'asclépiade, la plante sur laquelle le papillon pond ses oeufs, et qui nourrit ses chenilles. Mais la première année du programme est à l'image de l'urgence que vit l'espèce : « On a eu des quantités presque indétectables jusqu'à la fin de juillet », dit M. Larrivée.

Photo Jose Luis Gonzalez, Reuters

La population du monarque a chuté de plus de 90 % depuis 20 ans.