Deux organismes environnementaux de la Montérégie ont fait des pressions pour que des promoteurs immobiliers soient exclus du décret d'urgence déployé le 8 juillet par Ottawa afin de protéger une espèce en péril, la rainette faux-grillon.

Selon le Conseil régional de l'environnement de la Montérégie (CREM) et la ZIP Ville-Marie, un organisme dont la mission est de promouvoir la conservation et la restauration des écosystèmes, le décret pourrait menacer des ententes à venir avec des promoteurs pour protéger des milieux naturels à La Prairie et dans d'autres villes avoisinantes.

Le 15 février dernier, Richard Marois, président de la ZIP Ville-Marie, et Philippe Blais, président du CREM, ont écrit au député fédéral de La Prairie, Jean-Claude Poissant, pour lui demander que les villes de Saint-Philippe et Candiac soient exclues du décret d'urgence.

« Nous craignons que les propriétaires fonciers de ces deux autres municipalités, qui collaborent pleinement pour l'instant, ne se braquent et intentent des procédures judiciaires. Une telle situation aurait pour effet de mettre en arrêt tous les dossiers de protection de milieux naturels sur lesquels nous oeuvrons actuellement », écrivent notamment MM. Marois et Blais.

Le décret, qui est entré en vigueur le 8 juillet, couvre une zone d'environ 2 km2 qui chevauche les municipalités de La Prairie, Candiac et Saint-Philippe. La zone couverte par le décret est censée permettre la survie et le rétablissement de la rainette faux-grillon dans ce secteur, l'un des derniers où cette minuscule grenouille est encore présente en Montérégie.

Richard Marois, qui est aussi vice-président du CREM après avoir été son président pendant plusieurs années, reconnaît avoir eu plusieurs échanges avec des représentants du cabinet du ministre de l'Environnement, David Heurtel, pour limiter le décret au territoire de La Prairie.

Un décret « arrogant »

M. Marois critique l'attitude « arrogante » d'Environnement Canada. « C'est sûr qu'on est contents du décret, tout le monde le voulait. Mais on ne voulait pas un décret trop arrogant, parce que ça a des impacts sur les [propriétaires des] autres terrains. »

Selon lui, le décret d'urgence aurait dû se limiter aux phases 5 et 6 du projet Symbiocité à La Prairie. « On aurait voulu que ce soit plus stratégique comme approche. On essaie de faire de la concertation. On n'est pas un groupe environnemental, on est un groupe qui travaille avec la notion du gros bon sens. Là, des gens avec qui on travaille ne sont pas contents. »

Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la faune et les parcs (SNAP), n'est pas de cet avis. « L'essentiel de ce qui a été inclus dans le décret d'urgence se défend très bien quand on regarde les critères liés à la survie ou au rétablissement de la rainette faux-grillon. »

Le gouvernement fédéral prévoit d'ailleurs la disparition complète de l'espèce d'ici 2030 en Montérégie si rien n'est fait d'ici là.

Pour sa part, Philippe Blais, président du CREM, admet que l'approche de concertation avec les promoteurs n'a pas encore fait ses preuves, mais il ne voit pas d'autres solutions en constatant l'absence de volonté politique pour protéger les derniers milieux naturels en Montérégie.

« On plaide pour que des gens comme Maryo Lamothe [un promoteur immobilier visé par le décret] ne soient pas visés. Si M. Lamothe perd sa chemise à Saint-Philippe, c'est sûr que ça pourrait avoir des impacts ailleurs. »

Rappelons qu'Environnement Canada mène actuellement une enquête après que Maryo Lamothe eut rasé une forêt d'une dizaine d'hectares sur un terrain visé par le décret d'urgence. Il pourrait se trouver devant les tribunaux pour avoir enfreint la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.

De son côté, le promoteur dit vouloir contester le décret d'urgence et songe à poursuivre le gouvernement fédéral.

Une entente pour des échanges de terrains

Richard Marois ne veut pas donner plus détails sur les ententes qu'il tente de concrétiser, mais il précise qu'il est prévu de faire des échanges de terrains avec des promoteurs pour protéger des milieux naturels. Une entente du genre a été signée en 2013 entre le CREM, la ZIP Ville-Marie, trois promoteurs immobiliers et la Ville de La Prairie. Le contrat devait permettre un développement immobilier pour lequel les promoteurs cédaient en échange de terrains pour des fins de conservation. Le hic, c'est que les terrains des promoteurs Maryo Lamothe, Charles Eklove et Denis Hébert se trouvent dans une zone identifiée comme boisé d'intérêt dans le Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD) de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). L'entente n'a jamais pu se concrétiser. Le promoteur Maryo Lamothe se dit toujours intéressé à céder une partie de ses terrains si les discussions en cours avec la CMM et la MRC Roussillon lui permettent d'exclure ses autres terrains du PMAD pour réaliser ses projets.