Plus de quarante pays - certaines victimes et d'autres réputés complices - ont adopté une déclaration commune contre le commerce illégal d'espèces menacées jeudi à Londres à l'issue d'une réunion saluée comme un tournant par le gouvernement britannique.

«Cela a été une conférence extrêmement réussie et je pense que les mesures adoptées peuvent marquer un tournant déterminant dans la lutte contre les bandes criminelles coupables de trafic illégal», a souligné le chef de la diplomatie britannique William Hague.

Il s'est félicité du «rôle constructif des pays consommateurs comme la Chine et le Vietnam» tout au long de la journée.

Après deux jours de débat, les représentants des 46 pays présents, dont plusieurs chefs d'État africains, ont adopté une déclaration commune visant à renforcer l'arsenal judiciaire contre les braconniers et autres marchands d'ivoire ou de cornes de rhinocéros, et à traiter le fléau de la même manière que le trafic d'armes, de drogues ou d'êtres humains.

«Les braconniers pensent agir en toute impunité. On va leur montrer qu'ils ont tort. Il n'y aura pas de maillon faible. Nous allons tous débusquer ceux qui commettent ces actes atroces et utiliser toute la force des lois nationales et internationales pour briser ces réseaux criminels», a souligné William Hague.

Les participants se sont engagés par ailleurs pour la première fois à renoncer à l'usage de produits provenant d'espèces menacées de disparition, et à prolonger l'interdiction du commerce illégal d'ivoire «jusqu'à ce que la survie des éléphants d'Afrique ne soit plus menacée par le braconnage».

Les gouvernements du Tchad, du Gabon, de la Tanzanie, de l'Éthiopie et du Botswana, qui organisera une conférence début 2015 pour évaluer les progrès, ont en plus annoncé un plan d'action en faveur des éléphants, l'une des espèces les plus menacées par un trafic en pleine croissance.

La conférence de Londres, née à l'initiative du gouvernement britannique et des princes Charles et William, voulait répondre à la recrudescence alarmante depuis dix ans du braconnage qui met en péril l'existence même de plusieurs animaux rois de la savane africaine et de la jungle asiatique.

La conférence a mis l'accent plus particulièrement sur trois espèces emblématiques, menacées de disparition à moyen terme : les éléphants d'Afrique, les rhinocéros et les tigres.

En amont de la réunion, plusieurs pays, dont la France et la Grande-Bretagne, avaient symboliquement procédé à des destructions de leurs stocks d'ivoire, et les États-Unis se sont engagés à durcir leurs règles face au trafic.

Mais sur le terrain, le massacre continue. En dix ans, 62 % de la population des éléphants de la forêt africaine a été décimée et leur survie n'est, à ce rythme, plus assurée.

Mille rhinocéros ont été tués l'année dernière en Afrique du Sud, contre... treize en 2007, et le nombre de tigres vivant à l'état sauvage en Asie a chuté de 100 000 à 3200 en cent ans.

«Malheureusement, tous les rhinos sauvages du monde pourraient tenir dans le stade de Wembley et il resterait encore de la place», a déploré le prince William.

Selon une étude de l'institut de recherche britannique Chatham House publiée mercredi, le commerce illégal d'espèces menacées représente un marché de 14,5 millions euros (21,7 millions de dollars) par an, un somme qui a plus que doublé en sept ans.

Une corne de rhinocéros, par exemple, est désormais plus précieuse que l'or, se négociant au prix de 40 000 euros (environ 60 000 $) le kilo.

Le trafic est tiré par une forte demande en Asie, où on attribue des vertus médicinales aux cornes et aux os de tigre. Mais ces pièces, surtout l'ivoire, constituent aussi de plus un symbole de puissance et de richesse.

Régulièrement pointée du doigt, la Chine a pourtant été citée en exemple jeudi par William Hague. «Le gouvernement chinois a déjà montré ce qu'on pouvait faire dans la protection des requins, il faut suivre cet exemple en ce qui concerne d'autres animaux en danger», a-t-il déclaré.

L'argent reste souvent le nerf de la guerre pour financer des moyens modernes, tels des drones ou des tests ADN. Sachant que le commerce illégal est devenu tellement lucratif que les «Rangers» ne font que rarement le poids face à des braconniers équipés d'armes de guerre et d'hélicoptères.