La flotte mondiale de pêche est deux fois plus importante que celle nécessaire à une exploitation durable des océans, estime Olivier de Schutter, le rapporteur de l'ONU pour le droit à l'alimentation, qui met en garde contre « une ruée vers l'or bleu ».

Q : La capacité de pêche au niveau mondial est surdimensionnée?

R : Très clairement. Nous avons développé des capacités de pêche très au-delà de ce qu'une gestion durable des stocks peut supporter. Il faudrait diviser par deux notre capacité. C'est pourquoi il faut encourager les efforts de réduction des flottes et éliminer les subventions favorisant la surcapacité (carburants et construction de nouveaux navires).

Q : Comment en est-on arrivé là?

R : Paradoxalement, plus les stocks se réduisent dans certaines zones, et plus l'on développe les moyens d'aller plus loin, en eaux plus profondes, ce qui ne fait qu'augmenter le problème. Aujourd'hui, un problème nouveau voit le jour : celui d'une concurrence à l'échelle mondiale pour l'accaparement des stocks, avec l'arrivée de nouveaux acteurs tels que la Chine ou la Corée du Sud alors que les grands acteurs traditionnels (Union européenne, Amérique du Nord, Japon, Russie) restent présents. C'est une sorte de ruée vers l'or bleu.

Q : L'aquaculture, en plein développement, peut-elle être une solution pour limiter la surpêche tout en répondant à la demande de poisson?

R : C'est même la seule solution. D'ici à 2030, avec la croissance démographique et le passage, pour les classes moyennes émergentes, à des régimes plus diversifiés et plus riches en protéines animales, il faudra que l'offre de poisson augmente d'environ 30 millions de tonnes, donc de près de 20 %. Or les océans sont presque tous déjà surexploités. Il faut investir dans la pisciculture, notamment en Afrique et en Amérique latine, où trop peu a été fait à cet égard. Mais ceci doit être géré avec prudence. L'aquaculture peut avoir des effets destructeurs sur les écosystèmes locaux et peut entraîner des pollutions des eaux.

Dans les pays occidentaux, il faudrait se tourner vers des espèces telles que le hareng ou la sardine, très nutritives, au lieu de se focaliser sur des espèces comme le saumon et le thon.

(Propos recueillis par Céline Serrat)