Le gouvernement québécois doit interdire la soupe aux ailerons de requin, dont plusieurs espèces sont en danger. C'est Veronica Kwan, des restaurants Maison Kam Fung, qui le dit... alors qu'elle sert toujours ce mets prisé pas les Asiatiques.

«Nous offrons de la soupe aux ailerons de requin parce que c'est encore légal au Québec, a dit Mme Kwan à La Presse. Nous n'en vendrions pas si c'était interdit, comme dans certaines villes ontariennes. Mais puisque nos concurrents en servent, nous n'avons pas le choix de faire la même chose.»

Une douzaine de villes canadiennes, dont Toronto, ont banni la vente de nageoires de requin sur leur territoire. Vancouver et Calgary ont annoncé leur intention d'emboîter le pas bientôt.

Montréal doit faire de même, selon la section canadienne de la Humane Society International (HSI). «Cette pêche est très cruelle, a fait valoir Sayara Thurston, de HSI. Les ailerons sont enlevés sur les bateaux, puis les requins sont rejetés à la mer, vivants. Leur mort est horrible.»

Mme Kwan sait que des groupes écologistes militent contre la consommation des nageoires de requin. «J'en suis consciente et je suis d'accord avec eux, a indiqué la porte-parole des restaurants Maison Kam Fung de Brossard, Dollard-des-Ormeaux et Montréal. Mais je respecte le choix de mes clients. On ne peut pas changer les croyances et les idées des gens du jour au lendemain. Pour régler cette question, l'implication du gouvernement essentielle.»

La Ville de Montréal peut-elle agir?

Montréal estime que réglementer le commerce des ailerons de requin ne fait pas partie de ses compétences. Un avis juridique commandé par HSI, que La Presse a obtenu, conclut au contraire que «les municipalités du Québec disposent manifestement des pouvoirs nécessaires» pour interdire ce commerce en vertu de leurs pouvoirs liés à l'environnement, à la sécurité et au bien-être public ainsi qu'au développement économique local.

Cet avis «ne remet pas en question notre conclusion sur ce dossier», a dit hier Gonzalo Nunez, porte-parole de la Ville de Montréal.

Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) n'a pas pu dire, hier, s'il compte interdire la consommation d'ailerons de requin au Québec.

Projet de loi privé à Ottawa

Au fédéral, le député néo-démocrate Fin Donnelly a déposé un projet de loi privé demandant que cesse l'importation de nageoires de requin au Canada. Le vote à ce sujet doit avoir lieu à la fin de 2012 ou au début de 2013. Plus de 75 000 kg d'ailerons de requin ont été importés au Canada en 2009, selon HSI.

Hoang Mai, député néo-démocrate de Brossard-La Prairie, appuie ce projet de loi. «Les populations de requins ont été décimées, c'est très alarmant», a-t-il indiqué.

D'origine vietnamienne, M. Mai a mangé de la soupe aux ailerons dans sa jeunesse. «Ça fait partie de la tradition, a-t-il expliqué. C'est populaire dans les grandes occasions, parce que c'est un mets coûteux, donc prestigieux. Mais les jeunes plus conscientisés ne croient plus que ce soit nécessaire.»