La faible hausse de la population d'éléphants dans le principal parc du Kenya suscite l'inquiétude des protecteurs des animaux qui dénoncent une demande croissante d'ivoire venue d'Asie et le braconnage qui en découle.

Un recensement aérien mené la semaine dernière dans le parc national de Tsavo (sud), de loin le premier sanctuaire pour les pachydermes du Kenya, a montré une baisse du taux de croissance enregistré ces dernières années, de 4% à 2%.

Le parc de Tsavo héberge 12 572 éléphants, contre 11 696 il y a trois ans, selon les résultats préliminaires de ce recensement publiés ce week-end.

«Ces nouveaux chiffres peuvent illustrer la demande croissante d'ivoire et la montée en conséquence du braconnage», a commenté Julius Kipng'etich, directeur du Kenya Wildlife Service (KWS), autorité de gestion des parcs.

Des dizaines d'éléphants ont été victimes de braconniers ces dernières années, dans un marché noir relancé, à en croire les autorités kényanes, par la vente en 2008 -- celle-là parfaitement légale -- des stocks d'ivoire détenus par quatre pays d'Afrique australe sur dérogation spéciale de la convention CITES de protection des animaux.

«Nous avons vu les cas de braconnage augmenter», relève M. Kipng'etich, reconnaissant toutefois que cette hausse n'est pas spectaculaire.

«Je suis de plus en plus inquiet de la recrudescence du braconnage car je la crois liée à un facteur plus fondamental, à savoir la demande accrue en Chine et dans d'autres pays d'extrême orient, et les moyens grandissants de ces pays de payer pour cet ivoire», commente Iain Douglas-Hamilton, fondateur de l'organisation «Save the Elephants».

Pour James Isiche de l'organisation de défense des animaux IFAW, «nous avons besoin de réitérer notre engagement (...) à faire en sorte que le terrain gagné depuis l'interdiction mondiale sur le commerce d'ivoire en 1989 et les efforts concertés pour faire appliquer la loi ne soit pas reperdu».

L'immense parc national de Tsavo est le principal sanctuaire des éléphants kenyans, avec un tiers de l'ensemble de la population des pachydermes de ce pays, vivant dans cet espace de 46.437 km2, une superficie plus grande que celle du Danemark et deux fois celle d'Israël.

Tsavo offre ainsi une photographie idéale de l'état de préservation de l'éléphant au Kenya. Le parc hébergeait 35 000 éléphants en 1976. Mais 6000 ont péri à la suite des sécheresses du début des années 70, et seulement 5400 pachydermes subsistaient en 1988 après une recrudescence de cas de braconnage.

La population a progressivement augmenté depuis le début des années 90 grâce à une meilleure protection. Cependant les autorités kenyanes ont procédé ces derniers mois à une série d'arrestations de trafiquants d'ivoire à destination d'Asie, indication apparente d'une recrudescence du trafic à des fins décoratives ou médicales.

Une implacable sécheresse au Kenya en 2009 a également fait de nombreuses victimes parmi les éléphants et d'autres animaux sauvages.

Enfin, la poussée démographique au Kenya pousse à une exploitation accrue des terres, y compris de façon illégale dans les parcs nationaux, et à une multiplication des conflits entre hommes et animaux.

Quelque 38 millions de personnes habitent au Kenya, qui gagne chaque année un million d'habitants supplémentaires, selon un recensement mené en 2009.

«Nous nous attendons à voir 20 millions de Kényans supplémentaires occuper le même espace fini dans les vingt prochaines années. La pression sur nos écosystèmes sera incroyable», s'inquiète M. Kipng'etich.