Après le thon rouge, la conférence de la CITES a refusé dimanche à Doha d'apporter sa protection à une autre espèce marine à haute valeur marchande, retoquant les coraux rouges, utilisés depuis des millénaires par les bijoutiers.

Une proposition conjointe des Etats-Unis et de l'Union européenne, visant à réguler les exportations de coraux rouges et roses, a été repoussée par 64 voix contre 59, sans obtenir la majorité requise des deux tiers.

Après le rejet jeudi d'une proposition visant la protection du thon rouge d'Atlantique-Est et de Méditerranée, cette décision a atteint le moral des partisans de la conservation.

«Parler de déception, c'est peu dire», a reconnu Ernie Cooper, de l'ONG TRAFFIC. «Le message de cette conférence, c'est qu'il va être très difficile d'avancer sur la conservation des espèces marines à haute valeur commerciale, comte tenu des efforts concertés pour bloquer tout effort» en ce sens.

Les coraux rouges s'étaient déjà faits retoquer à la CITES en 2007, déjà après proposition des Etats-Unis, les principaux importateurs.

Il s'agissait d'inscrire la famille des coralliidae (ou Corallium) de grand fond, 31 espèces au total, à l'Annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées (CITES), afin d'imposer aux exportateurs et aux importateurs de contrôler les conditions de leur exploitation.

Sept seulement de ces espèces sont surexploitées, dont une récoltée en Méditerranée et six dans le Pacifique. Mais les autres sont tellement similaires, que leur inscription aurait facilité les contrôles et le travail des douanes. Ce sont les plus précieuses et les plus chères, à 1500 dollars le kilo de corail brut et 30 000 à 50 000 USD celui des perles travaillées. Même de toutes petites branches se vendent 250 à 300 USD le kilo.

«Le Japon, Taïwan et la Méditerranée -notamment l'Espagne, la Tunisie, le Maroc et l'Italie- sont les trois principaux centres de récolte des coraux. Mais l'Italie, en particulier la ville de Torre del Greco au sud de Naples, est le principal centre pour l'industrie du corail», indique Ernie Cooper.

Selon le réseau Seaweb, les colonies de Méditerranée, qui atteignaient autrefois 50 cm de hauteur, ne dépassent plus 3 à 5 cm pour 90% d'entre elles.

«Dans le Pacifique c'est encore pire: 85% des débarquements sont morts depuis longtemps», a insisté le délégué américain en séance.

Pour les Etats-Unis, la surexploitation encouragée par la haute valeur marchande des coraux se double de la menace climatique: «la hausse des températures et l'acidification des océans provoquent une mortalité de masse sur les récifs», insistent-ils.

Mais les principaux pays pêcheurs et exploitants, Japon en tête et Afrique du Nord (Tunisie, Maroc, Libye), ont pris avantage des conclusions de la FAO, l'Agence des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, pour affirmer qu'il n'y avait pas de déclin de l'espèce.

«La FAO évalue le corail comme elle évalue les poissons, mais c'est différent. Les coraux ont une croissance extrêmement lente, il faut 100 ans avant qu'ils atteignent une taille permettant de les récolter sans danger», rétorque Sue Lieberman, directrice des politiques internationales du Pew Environment Group.

Le Japon, le Maroc et la Libye notamment ont aussi insisté sur le revenu que les coraux apportent à de nombreuses communautés côtières dans les zones d'exploitation: «C'est facile d'inscrire des espèces à la CITES, sans penser aux répercussions économiques», a accusé en séance le délégué libyen.

La CITES doit encore examiner, d'ici jeudi, quatre espèces de requin surpêchés pour leurs ailerons et leur viande, qui risquent de connaître le même sort que le thon et les coraux.