Un rhinocéros erre le long de la route dans le parc national Kruger. Sa corne a été tranchée, jusque dans la chair. Première victime des braconniers retrouvée encore vivante dans la plus grande réserve d'Afrique du Sud, l'animal a dû être abattu.

Les vétérinaires «ont finalement dû se résoudre à le tuer car la blessure était trop importante», regrette le porte-parole du parc Kruger, William Mabasa, expliquant que les braconniers utilisent un puissant tranquillisant pour pouvoir couper les cornes.

Dans le célèbre parc, qui fait deux fois la taille des Pays-Bas, le braconnage des mastodontes a atteint son plus haut niveau depuis 15 ans, souligne-t-il.

La demande pour la corne de rhinocéros, très recherchée en Asie où on lui attribue des vertus aphrodisiaques en dépit de sa banale composition de kératine, a explosé avec le boom économique sur ce continent.

Les braconniers en herbe, poussés par la pauvreté, ne manquent pas dans de nombreux pays comme l'Afrique du Sud ou le Zimbabwe voisin, responsables de 95% du braconnage des rhinocéros dans le monde, selon le groupe de défense des animaux Traffic.

Le phénomène a atteint une ampleur telle que la conférence de la Convention internationale sur le commerce des espèces sauvages menacées (CITES) a décidé d'aborder ce thème d'ici la fin de sa réunion à Doha le 25 mars.

«Le braconnage des rhinos a fortement augmenté dans toute l'Afrique du Sud», confirme Reynold Thakhuli, porte-parole des Parcs nationaux (Sanparks) qui gère notamment le Kruger.

Sanparks a perdu 36 rhinocéros en 2008 et 50 l'année dernière. Depuis le début de l'année, 31 de ces animaux ont été tués, selon la Fondation internationale Rhino.

«L'étendue actuelle du braconnage des rhinocéros montre un très haut degré d'organisation et implique le crime organisé au niveau local, régional et international», souligne M. Thakhuli. Des gangs financent des «chasses», allant jusqu'à employer hélicoptères et armes sophistiqués.

Interpol est à leur trousse. En février, la police internationale a mené une opération qui a permis plusieurs arrestations dans le monde et la saisie pour 10 millions d'euros (13,6 millions de dollars) de médicaments fabriqués à partir d'espèces animales et de plantes protégées.

Pour Oubaas Coetzer, inspecteur de police au Kruger, il faut encore intensifier les efforts internationaux en matière de lutte contre le braconnage, et s'attaquer à la racine du problème en luttant directement contre le commerce de ces produits.

L'année dernière, 47 braconniers ont été arrêtés par la police locale. Malgré tout, le braconnage n'a cessé d'augmenter.

«Si on arrête un membre d'un gang, il est alors hors circuit, mais il y en a toujours d'autres qui prennent sa place, attirés par l'argent», remarque-t-il. «C'est le propre du crime organisé.»

Selon l'inspecteur, «arrêter les gens et les envoyer en prison n'empêche pas le braconnage. La seule chose qui puisse y mettre fin, c'est de s'attaquer au commerce même des cornes de rhinos.»