Après le thon rouge, une nouvelle bataille s'engage à partir de dimanche à la conférence de la CITES à Doha pour protéger quatre espèces de requins, dont plusieurs dizaines de millions sont tués chaque année pour le commerce lucratif de leurs seuls ailerons.

Selon le Pew Environment Group, basé à Washington, jusqu'à 73 millions de requins terminent ainsi dans les filets des pêcheurs, directement ciblés ou accidentellement.

«S'agissant des requins, ce n'est pas que les quotas sont trop généreux: il n'y a pas de quotas du tout», souligne Sue Lieberman, directrice des politiques internationales du Pew. «Aucune gestion de la pêche en haute mer, ni de contrôle sur le commerce des ailerons», vendus jusqu'à 100 dollars le kilo.

À la différence du thon rouge d'Atlantique-Est et de Méditerranée, vainement proposé à l'Annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d'extinction (suspension des exportations), les requins sont proposées à l'Annexe II, qui permet d'en réguler strictement les échanges.

Quatre espèces sont concernées, ainsi que quatre cousines à l'aspect similaire: le requin-marteau (Sphyrna lewini) et le requin océanique (Carcharhinus longimanus) sur proposition des États-Unis et de Palau, le requin-taupe (Lamna nasus) et l'aiguillat commun (Squalus acanthias) dont tout se vend (ailerons, chair et huile de foie) sur proposition de Palau et de la Suède, au nom de l'Union européenne.

Trois d'entre elles figurent sur la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comme en «danger critique» d'extinction en Atlantique et Méditerranée, et «vulnérables» partout ailleurs. Le requin-marteau est lui jugé «mondialement en danger».

Face à une bataille qui s'annonce rude - l'aiguillat commun et le requin-taupe ont été retoqués à la dernière CITES en 2007, sous pression du Japon - Palau a dépêché à Doha son ministre de l'Environnement, Thomas Fritts. Depuis 2001, l'île du Pacifique s'est décrétée «sanctuaire du requin» et interdit pêche et commerce, pour préserver cette importante attraction touristique.

Mais «chaque fois que nous effectuons des patrouilles, nous tombons sur des bateaux illégaux», assure le ministre.

Celui des Maldives, Ibrahim Didi, est également là pour soutenir le combat: un moratoire entré en vigueur ce mois-ci dans l'archipel interdit aussi la pêche et le commerce des requins.

Dans son argumentaire, l'UE - qui a fermé en 2007 les pêcheries d'aiguillats communs et l'an passé celles de requins-taupe - fait valoir qu'aucune des organisations régionales de pêche dans le monde ne gère le requin, un poisson à la croissance lente et piètre reproducteur, tous les deux ans environ.

Un sort aggravé par la chasse aux femelles adultes, dont la viande comme les ailerons sont les plus prisés.

«Trop de gens considèrent les requins comme une denrée. Mais les ailerons sont un article de luxe, ce n'est pas avec ça qu'on nourrit l'humanité», remarque l'océanographe américaine Sylvia Earle, ex-responsable scientifique de l'Administration américaine pour les océans et l'atmosphère (NOAA), et plongeuse du National Geographic.

Cette sommité du requin, âgée de 74 ans, est à Doha pour plaider le sort de ces «beautés» avec lesquelles elle a coutume de plonger.

Le secrétariat de la CITES a apporté son soutien à ces propositions de classement, qui obligerait les pays pêcheurs - Indonésie, Inde, Espagne et Taïwan figuraient en tête en 2008, selon l'ONG Traffic - à émettre des «avis de commerce non préjudiciable».