Des décennies après avoir été décimées par la chasse, les baleines bleues sont de retour au large de l'Alaska, retrouvant un ancien itinéraire migratoire, peut-être à la recherche de nourriture, selon une étude publiée récemment dans la revue «Science des mammifères marins».

On estime que l'espèce comptait 350 000 spécimens avant que les baleiniers ne la conduisent au bord de l'extinction au début du XXe siècle. La chasse a été interdite en 1966 mais le rattrapage a été lent: entre 8000 et 14 000 baleines bleues évoluent aujourd'hui dans les mers, dont beaucoup au large de la Californie, selon la Société cétacée américaine.

Ces animaux, sans doute les plus gros vivant actuellement sur Terre, avaient pour habitude de migrer du Mexique à l'Alaska. Mais ils avaient quasiment disparu des eaux qui baignent le plus septentrional des États américains.

Cependant, plusieurs baleines bleues ont été aperçues ces dernières années au large de l'Alaska et de la Colombie-Britannique, province la plus occidentale du Canada. Cela pourrait indiquer un retour vers les eaux froides, en quête de krill, avancent les scientifiques. Le krill est un plancton de petits crustacés transparents et constitue la nourriture principale des baleines bleues. Ces mammifères qui peuvent atteindre les 30 mètres de long peuvent manger quatre tonnes de krill en une journée durant l'été.

Les chercheurs ont repéré ce phénomène alors qu'ils réalisaient un recensement des baleines à bosse en 2004 dans le golfe d'Alaska, où ils ont aperçu trois baleines bleues. «Personne n'avait vu de baleine bleue dans ces eaux depuis la fin de la pêche à la baleine», explique Jay Barlow, chercheur à l'Administration nationale océanique et atmosphérique (NOAA).

En tout, six baleines bleues ont été repérées en 2004 mais trois d'entre elles se trouvaient dans les eaux des îles Aléoutiennes et appartenaient à un banc du Pacifique Ouest, plus près de la Russie.

Pour les identifier, les scientifiques ont comparé la pigmentation de leur dos et la forme de leur aileron dorsal avec les photographies d'un catalogue dressé au milieu des années 1980.

L'une des baleines aperçues dans le golfe d'Alaska avait déjà été vue cinq fois entre 1995 et 1998 au large de la Californie.

Ensuite, une ou deux baleines bleues ont été repérées chaque année au large de la Colombie-Britannique entre 2005 et 2006, a rapporté le biologiste John Calambokidis, qui travaille à la fois pour la NOAA et le ministère canadien des Pêches et Océans.

En 2007, en l'espace d'une seule journée, des scientifiques ont vu cinq baleines bleues - dont une mère et son petit - près des îles de la Reine Charlotte, au large de la Colombie-Britannique. Trois autres ont été aperçues le lendemain.

En tout, les chercheurs ont repéré 15 baleines bleues au large de la province canadienne et dans le golfe d'Alaska. Ils pensent qu'elles font toutes partie du banc californien qui se compose d'environ 2000 individus. Mais ils n'en ont la confirmation que pour quatre d'entre elles, identifiées grâce aux clichés du catalogue.

«Nous pensons que cela signifie qu'une population de baleines bleues de l'est du Pacifique Nord est en train de rétablir un schéma migratoire traditionnel», écrit John Calambokidis dans l'article qu'il a co-signé avec Jay Barlow et d'autres scientifiques.

Une hypothèse pour expliquer ce phénomène avance que les conditions océaniques ont changé, poussant le krill vers le nord. Cette évolution ferait partie d'un changement normal de température des eaux qui se produit à peu près chaque décennie.