Un premier accord de financement de 116 millions de dollars pour la conservation des gènes végétaux par les paysans et leur partage à l'échelle internationale a été conclu au cours d'une réunion de l'agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) en Tunisie.

Un financement de 116 millions de dollars a été engagé, en présence de 120 délégués et experts réunis du 1er au 5 juin à Tunis, pour promouvoir le «Traité international sur les ressources phytogénétiques» à l'initiative de la FAO.

Les experts se sont également mis d'accord sur des procédures d'échange des ressources génétiques et sur les modalités de partage de bénéfices entre les 121 pays signataires.

Première concrétisation du traité, ces accords visent à «produire plus et mieux» pour la population mondiale, par une utilisation durable du patrimoine génétique menacé par le changement climatique et les maladies.

Le traité présenté comme un instrument de lutte contre la faim et la pauvreté est entré en vigueur en 2004 sans devenir opérationnel, faute de financements.

«On vient de passer à l'étape d'application du Traité» a indiqué samedi à l'AFP Clive Stannard, expert fondateur du traité.

Ce cadre multilatéral offre un accès gratuit au matériel génétique de 60 espèces cultivées qui assurent 80% de la nourriture des hommes et instaure le partage des revenus qui en découlent.

A partir des ressources génétiques partagées, les producteurs de semences peuvent désormais commercialiser et faire breveter des variétés nouvelles ou améliorées. En contrepartie, ils reverseront 1,5% environ de leurs revenus aux paysans pour la conservation des gènes «in situ», au niveau de la ferme.

«La nourriture que nous consommons est le résultat du savoir-faire ancestral des paysans, on doit le reconnaître et avoir conscience du fait que le contenu du panier alimentaire perd tous les jours», a ajouté M. Stannard, évoquant les les effets dramatiques du réchauffement climatique.

Pour la première fois, les paysans des pays pauvres pourront prétendre à des avantages financiers pour avoir conservé et diffusé des variétés dont dépend la nourriture des générations futures.

Onze pays du sud ont reçu un financement pour des projets destinés à protéger le patrimoine génétique et produire des «variétés plus résistantes au stress climatique et aux maladies», a dit Mohammed Kharrat, chercheur tunisien, élu représentant de l'Afrique dans l'instance exécutive du Traité.

Orange d'Egypte ou pomme de terre du Pérou, les projets situés en Afrique, Asie et Amérique latine permettraient de «nourrir deux milliards de bouches supplémentaires d'ici 2050», selon une experte de la FAO.

Au Maroc, il s'agira de lutter contre la maladie dite «UG 99» qui menace 90% des variétés de blé dans le monde, selon les experts.

La Norvège, l'Italie, l'Espagne et la Suisse ont été les premiers bailleurs des fonds pour le lancement du système de partage des bénéfices.

Les discussions ont connu «un marchandage serré» entre les pays du sud conduits par le Brésil, et les Etats industrialisés, sur la mise en commun de patrimoine génétique, le financement et la bonne gouvernance, selon une source proche de la réunion.

«Il ne s'agit pas de générosité, c'est une affaire d'intérêts bien compris» a lancé aux délégués José Esquinas (Espagne).

«Technologie et compensation pour les pauvres, ressources génétiques pour le monde industrialisé: c'est une question de sécurité nationale», a-t-il insisté.

De milliers d'espèces cultivées autrefois, il ne resterait plus que 150 plantes pour nourrir l'humanité. Une douzaine de plantes, dont le riz, le blé, le maïs et la pomme de terre, assurent 80% des apports énergétiques d'origine végétale, selon la FAO.