Les éléphants vont-ils disparaître pour satisfaire les collectionneurs d'ivoire sculpté, en Chine et ailleurs dans le monde? Leur population est aujourd'hui en chute libre, au rythme de 25 000 à 30 000 animaux tués par an en Afrique.

C'est pour tenter d'arrêter le massacre que représentants d'États africains et ONG se retrouvent lundi au Botswana pour la deuxième rencontre internationale sur le sujet depuis 2013.

Cette réunion servira de prélude à une autre conférence, mercredi, consacrée au trafic mondial d'espèces menacées. Une activité criminelle qui génère, selon le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), un chiffre d'affaires annuel de 19 milliards de dollars.

Selon les études, il resterait entre 420 000 et 650 000 éléphants d'Afrique en liberté. Mais plus de 100 000 ont été tués ces quatre dernières années.

Le taux de mortalité excède désormais largement la natalité. «Si la tendance continue, les éléphants seront en danger d'extinction, particulièrement en Afrique centrale, où le taux de braconnage est deux fois supérieur à la moyenne continentale», met en garde Heather Sohl, spécialiste des espèces en danger au WWF.

Tous les experts en conviennent, l'abattage des éléphants est organisé par des réseaux criminels internationaux qui alimentent le marché clandestin de l'ivoire, essentiellement en Asie.

L'ivoire braconné, acheté 100 dollars (94 euros) le kilogramme en forêt, se retrouve en bout de chaîne vendu 2100 dollars le kilo sur le marché chinois, le principal débouché.

Les experts pensent aussi que l'argent de l'ivoire, dont le commerce est interdit depuis 1989, contribue au financement de groupes armés dans la bande sud du Sahara. «Le mois dernier, les éléphants du Nord-Mali, qui n'avaient jamais été touchés jusqu'à présent, ont été attaqués», révèle Céline Sissler-Bienvenu, directrice France de l'IFAW: «Il y a de grandes chances que cela serve à financer des groupes armés de la région».

La Chine détient la clé

Mais c'est la Chine, selon Iain Douglas-Hamilton, fondateur de l'ONG kényane Save the Elephants, «qui détient la clé de l'avenir des éléphants. Si la Chine n'est pas en pointe pour mettre fin à la demande d'ivoire, les éléphants d'Afrique pourraient disparaître de la nature d'ici une génération», dit-il.

«En Chine, les campagnes auprès de l'opinion publique commencent à porter leurs fruits», assure Mme Sissler-Bienvenu. «Mais il y a une population sur laquelle nous n'avons aucune prise: les collectionneurs et les investisseurs. Ils savent que la ressource se réduit, que les prix vont monter, et achètent pour spéculer».

Sous la pression internationale, Pékin a pris en février une mesure certes symbolique, mais saluée comme un pas en avant. Toute importation d'ivoire ouvragé a été interdite pour un an.

Pourtant, sauver les éléphants va demander un effort bien supérieur, «mondialement coordonné, depuis les pays où vivent les éléphants, tout au long des routes de contrebande de l'ivoire, jusqu'à la destination finale en Extrême-Orient. Nous n'avons plus beaucoup de temps...», assure le Dr Fiona Maisels, coauteur d'une étude sur la disparition des éléphants de forêt.

Côté africain, les Etats se sont engagés en 2014 à mettre en place 14 mesures «urgentes», parmi lesquelles la classification du braconnage en «crime grave», la mise en place de mécanismes internationaux de lutte et l'implication des communautés locales dans les efforts de conservation.

La Conférence de Kasane fera le point sur la mise en application de ces promesses. «Mais les réponses sur le terrain», estime Mme Sissler-Bienvenu, de l'IFAW, «ne sont pas du tout à la hauteur de la menace, essentiellement par manque de volonté politique».

Jusqu'à présent, seule l'Afrique australe, avec notamment le Botswana et l'Afrique du Sud, parvient à préserver ses éléphants. Peut-être en partie, malheureusement, parce que les réseaux criminels locaux se sont concentrés depuis la fin des années 2000 sur le massacre des... rhinocéros.

Les rhinocéros, pourchassés pour les vertus prétendument médicinales de leur corne, seront l'un des grands dossiers de la deuxième réunion organisée mercredi à Kasane, en bordure de l'un des parcs du nord du Botswana, l'un des derniers paradis africains de la vie sauvage.

Le sort des tigres, dont il ne reste plus qu'environ 4000 individus sauvages en Asie, sera également au menu des discussions de cette «Conférence sur le commerce illégal de faune sauvage».